Une mamie trop curieuse (3ème partie)

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Heureusement, notre mamie trop curieuse accepte de nous laisser tranquille et elle m'explique dans le détail le contenu de ses plats. Très intéressée par sa manière de cuisiner et avide de découvrir de nouvelles choses, je lui pose de nombreuses questions.

Après plus d'une heure de conversation, je remarque la disparition d'Adrien. Sharmila me rassure, il avait un appel urgent à passer.

Pas très rassurée à l'idée de subir une nouvelle salve d'interrogations, j'essaye de maintenir la conversation sur la cuisine mauricienne.

Mais mamie, comme je le craignais, revient à l'attaque :

— Allez Naïs, soyez franche avec moi, que pensez-vous de lui ?

— Et bien...c'est un homme serviable, honnête, un peu trop franc je dirai, mais très impliqué dans tout ce qu'il fait. Oh, et il semble avoir une patience d'ange avec les enfants. Enfin, il vaut mieux puisqu'il est instituteur.

— Ha ha, donc il ne vous laisse pas indifférent !

— Je n'ai pas dit ça !

Tsss, elle est coriace la mamie. Je n'ai même pas de répit, la voilà qui réattaque :

— Et physiquement ?

— Quoi ?


Bon sang, j'ai failli recracher ma limonade !

Sharmila me tapote gentiment le dos le temps que je retrouve mes esprits. Misère, mais qu'est-ce qui m'a pris d'accepter ce dîner ? Je prie silencieusement pour qu'Adrien revienne très vite et, Dieu soit loué, mon vœu est exaucé !


Il se rend très vite compte que notre hôtesse m'a encore martyrisée car il jette un bref regard vers elle puis vers moi. Il contemple ensuite Sharmila avec un air de reproche :

— Qu'est-ce que tu as demandé à Naïs cette fois ?


L'intéressée fait mine de ne pas avoir entendu et s'enfuit dans sa maison en prétextant que si nous voulons manger à une heure raisonnable, elle doit déjà lancer quelques préparations. Mais, sur la terrasse qui contourne toute la demeure, elle se retourne et lance :

— Allez roucouler un peu plus loin les jeunes. Je vous appellerai quand ce sera prêt.


Adrien me fait alors signe de le suivre au fond du jardin et nous nous asseyons sur un gros rocher, face à l'Océan. Il soupire et passe une main dans sa tignasse brune :

— Je lui avais pourtant demandé de ne pas t'importuner. Oh, mince, je ne voulais pas...désolé je ne voulais pas être grossier.

— Grossier ? Pour le tutoiement ? Et bien, en fait, ça ne me dérange pas. Je veux dire, ce n'est pas comme si c'était la première fois que nous nous voyions. Et puis, ça me donne l'impression d'être une vieille cruche ! En général, après quelques rencontres, je passe rapidement au tutoiement avec les personnes que je côtoie au boulot. Je ne suis pas du genre très formelle !

— Ouf ! Je croyais avoir commis une gaffe monumentale. Certaines personnes ne supportent pas ce genre de familiarité si vous ne faites pas partie de leur cercle restreint. Enfin, bref. Hum...

— Tu veux savoir ce qu'elle m'a demandé à ton sujet ?

— Laisse-moi deviner : comment tu me trouvais et si physiquement je te plaisais ?

— Presque. Pour le physique, elle voulait juste savoir ce que j'en pensais. Je n'ai pas répondu, tu es arrivé.

— Sharmila désespère de me voir toujours célibataire à trente-quatre ans. Sauf que, ce n'est pas ma faute si les femmes que je rencontre ne sont pas sur la même longueur d'onde que moi. À quoi bon essayer de bâtir une relation stable si vous avez une vision différente de l'avenir ? Et puis, s'engager sur du long terme ne se fait pas en un claquement de doigts.

— C'est vrai. En ce qui me concerne, ce sont des questions que je ne me suis jamais posées. Oh, bien sûr, plus j'approchais de la trentaine, plus ma mère se lamentait de ne pas me voir pendue au bras d'un fiancé ni de pouvoir prévenir ses amies qu'elle allait devenir grand-mère grâce à moi.

— Mais tu pensais surtout à ton job ?

— Oui. Je n'ai jamais voulu me fixer avec un homme. J'ai eu quelques relations sans lendemain. Cela me convenait. Maintenant...je ne sais pas, je me demande si je n'ai pas commis une erreur.

— Il n'est pas trop tard. Tu...tu as quel âge au juste ?

— Trente-deux ans depuis trois semaines.

— Oui, donc tu as tout le temps devant toi. Et puis, après tout, pourquoi absolument vouloir fonder une famille ou se marier avant trente ans si on n'en ressent pas le besoin ? Moi, je n'ai pas eu de chance, je suis tombé sur des femmes qui ne voulaient pas entendre parler mariage et la dernière...non je ne vais rien dire, j'ai assez souffert par sa faute. Enfin, voilà pourquoi Sharmila était très étonnée de te voir. La dernière fois que je suis venu chez elle avec une inconnue, cela remonte à quatre ans je crois. Elle n'est pas méchante, tu sais mais elle est parfois envahissante !

— En effet ! Mais je la comprends, tu sembles avoir une place spéciale dans son cœur.

— Je l'ai aidé à rebâtir sa maison après le passage d'un cyclone. Ses fils ne voulaient pas quitter Port Louis, la capitale, et leur famille respective. Elle se retrouvait seule, sans logement décent et sans personne pour l'aider. Cela faisait six mois que je vivais à Maurice et je lui devais beaucoup. Je n'ai pas réfléchi longtemps avant de lui venir en aide.



Un sourire se dessine sur mon visage : ça, c'est du Adrien tout craché. Il me confirme ainsi sa nature bienveillante que j'avais pu deviner lorsqu'il m'avait accompagnée chez le médecin de l'hôtel. Et, je vais devoir faire très attention lorsque je me trouve avec lui : j'ai tendance à trop me confier, à trop en révéler sur moi-même.

Même si je n'ai rien à reprocher à Adrien, je dois me montrer plus vigilante.

Je remarque qu'il m'observe avec une certaine crainte dans les yeux et je le rassure de suite :

— Ne fait pas cette tête ! Je me disais seulement que je n'étais pas étonnée par l'aide que tu as apporté à Sharmila. Même si je te connais à peine, je pense que tu es ce genre de personne à avoir le cœur sur la main. Et c'est tout à ton honneur.

— Ce n'est pas de son avis pourtant.

Il me désigne la vieille femme qui arrive dans notre direction. Je le dévisage sans comprendre :

— Quoi, ne me dit pas qu'elle t'a reproché de l'avoir aidée ?

— Non, non. Mais elle estime que j'ai tendance à faire trop confiance aux gens et je suis toujours le seul à en payer les pots cassés par la suite.

— Je vois.


Le retour de Sharmila interrompt notre conversation. Pour éviter toute dérive de la part de la vieille femme, je lui propose de l'aider à préparer le repas et je lui confie mon envie d'en savoir plus sur la cuisine mauricienne


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⏰ Dernière mise à jour : Dec 30, 2020 ⏰

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Je déteste le sable, je déteste la mer...et les cartes postales !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant