Règlement de comptes à OK Corral (1ère partie)

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Il y a des avantages à être blessé lorsqu'on séjourne dans un hôtel cinq étoiles. Levée à l'aube, je décide d'aller prendre mon petit déjeuner face à la piscine, histoire de m'aérer un peu. Je préviens par téléphone l'employée chargée de m'apporter mes repas et, moins de cinq minutes plus tard, la voilà qui m'attends au pied de mon bâtiment dans une petite voiturette. Je devrais peut-être songer à me casser la figure plus souvent, tiens. Non, soyons sérieux, ce n'est pas drôle et, je me serais bien passée de ces fichues béquilles.

Vu l'heure matinale, je suis la première à franchir les portes du restaurant qui accueille les clients pour le premier repas de la journée. Je suis placée à une petite table à l'extrémité de la longue loggia couverte où sont installées les chaises du restaurant. Je suis non loin de l'entrée de la pièce où se situe le buffet.

C'est donc un passage obligé pour tous les clients pour aller se servir. Je sens déjà que je vais me marrer. J'avoue, c'est un rituel auquel je ne déroge jamais quand je suis en déplacement et que je loge à l'hôtel : l'observation des assiettes des autres clients.

Et croyez-moi, ça vaut le détour ! Entre ceux qui prennent à la lettre le « à volonté », les adeptes des mélanges originaux et les brindilles qui se contente d'un jus de carottes, un petit déjeuner reste toujours source de scènes amusantes et étonnantes.

Je ne dois pas me lever de ma chaise, plusieurs serveurs viennent tour à tour prendre mes commandes. Ils sont aux petits soins pour moi. Je me sens limite gênée car, pendant plus de quinze longues minutes, je suis la seule cliente, donc l'unique à bénéficier des attentions des membres du personnel.

C'est avec un certain soulagement que je vois arriver un couple et une famille nombreuse.

Je déguste tranquillement un bol de granola avec du lait d'amandes lorsque quatre nouvelles tables autour de moi se trouvent occupés par des clients particulièrement bruyants. Adieu le calme ! Un échange entre un couple de retraités attire alors mon attention.

La femme paraît mécontente et elle le fais savoir à son mari en oubliant qu'elle n'est pas seule :

— Quand on lit des avis de voyageurs relatifs à l'île Maurice, la plupart ne parlent que du bon côté des choses et ils éludent totalement la réalité qui est loin d'être paradisiaque. J'ai eu le sentiment d'avoir été trompé sur cette destination. C'est un pays aux antipodes de ce à quoi je m'attendais. Déjà, la saleté. Bon sang que cette île est dégueulasse ! On l'appelle la perle de l'Océan indien c'est ça ? Moi je dis que ça devrait être la poubelle de l'Océan indien. Les rues de Port Louis sont immondes et ça puait partout. Les déchets le long des routes, sur les plages publiques, même sur le chemin qui menait au Morne, il y avait des dépôts sauvages.

Je remarque que les membres d'une famille installée juste à mes côtés tirent une sale tronche. Si j'ai bien compris, la mère a des origines mauriciennes. Ouais, pas étonnant donc qu'elle n'apprécie pas ce qu'elle entend. Moi, je ne peux pas me prononcer, je ne suis pas allée dans la capitale ni à l'extérieur de l'hôtel. Pendant mon transfert de l'aéroport à l'hôtel, j'étais trop ballotée dans tous les sens pour prêter attention aux abords des routes.

Ha, au moins la mamie partage mon sentiment sur la conduite made in Maurice : la voilà qui se lance dans une critique virulente sur l'état des routes et sur le fait que les habitants semblent conduire sans se préoccuper du code de la route. Je ne peux pas lui donner tort sur ce point.

Après une brève interruption pour boire une gorgée de son jus d'orange, la voilà qui recommence en haussant le ton :

— Et puis, tu as vu les maisons ? On dirait qu'on se fiche de l'esthétisme et des règles d'urbanisme. Ce sont plus des bidonvilles qu'autre chose. Tu m'avais vanté la beauté des plages, mais elles ne sont pas paradisiaques comme je l'espérais. Oui, en photo c'est joli, mais sur place l'eau n'est pas toujours aussi claire. Il y a souvent des déchets sur le sable et, dans l'eau, très peu de poissons. Je m'imaginais plonger dans un aquarium géant, mais au final, on est loin du compte. 

Je déteste le sable, je déteste la mer...et les cartes postales !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant