Partie VIII

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OS écrit par Forlasass.
Pas de prévention particulière.


「 Le Philtre d'amour 」

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Ici, on voguait sur la ville, près des nuages. On apercevait les dames, les chapeliers et les commerçants courir à tout va, en bas, comme des petites figurines animées. C'était bien ravissant. Penché contre le bastingage de l'immense structure boisée du dirigeable, Jungkook contemplait ce joli monde effervescent, aussi effervescent que son excitation. Jamais encore, il n'était venu jusqu'ici.

Amentia.

La Terre entière parlait de cet endroit comme d'un magnifique tas de ferraille et de soie. En effet, la technologie de cette cité ne cessait de surprendre par ses avancées. L'architecture complexe, faite de tuyauteries et d'élégantes arabesques donnait aux Hommes d'ici des inventions toutes plus fantastiques les unes que les autres : horloges, dirigeables, fiacres automatiques, machines à imprimer, sonographes. Tout cela faisait rêver les petits. D'ailleurs, certains d'entre eux se bousculaient au portillon de la grande ville, aspirant à une vie meilleure. En réalité, ils finissaient tous à l'usine, ces grandes tours qui enfumaient le paysage urbain, et par la même occasion, leurs esprits trop naïfs.

Mais quand on est petit et qu'on arrive à Amentia, on ne voit pas la misère agglutinée dans les faubourgs et les ruelles malfamées, noyées dans la brume et la rouille. Quand on est petit et qu'on rêve d'Amentia, on n'a d'yeux que pour les grandes allées pavées, bordées de fleurs, de marchands de glaces et de vitrines somptueuses, aux objets rutilants, qui claquètent et cliquètent joyeusement.

Ici, on se perdait dans une abondante mécanique.

En ce jour, cette sorte d'innocence ingénue, celle des premiers venus, se retranscrivait parfaitement sur le visage de Jungkook : un émerveillement si pur, si évident, parce qu'Amentia ne ressemblait en rien à Busan, ou n'importe quel autre endroit de la Terre.

Enfin, il allait réaliser son rêve.

Pour profiter d'une meilleure vue, le jeune homme se suréleva contre le bastingage, en prenant soin de caler ses pieds dans un petit renfoncement de la coque. Puis, ainsi offert au monde, il ferma les yeux, déjà ivre de ce vent particulier, car chargé de senteurs inédites. Ses narines, déjà très sollicitées, prenaient toutefois plaisir à déchiffrer la partition. Vapeur, chaux, jasmin, étoffe venue de Chine, suie : autant de nuances que de secrets enfermés ici. La bise s'engouffrait joyeusement dans ses mèches d'encre, elle baptisait sa venue, l'accueillait avec toute la délicatesse des hôtes les plus nobles.

Mais la gaieté fut de courte durée car une violente bourrasque de vapeur chaude frappa soudain son visage, chassant toutes les odeurs qui l'enveloppaient. Comme il était déstabilisé, les paupières du jeune homme frémirent, puis finirent par révéler deux orbes brou de noix. Et dans le mouvement, son nez fut assailli par mille et un autres parfums qui l'étourdirent légèrement. Jungkook redescendit de son promontoire pour renouer avec le bois du sol. Ses mains s'enroulèrent sur la rambarde du bastingage, puis il rentra la tête, la secouant légèrement vers le bas avant d'éternuer contre sa main tremblante.

– Oh...

En relevant les yeux, il découvrit un autre dirigeable, entièrement fermé, qui venait de les dépasser à vive allure. La poupe de ce dernier, sur laquelle on pouvait voir une gravure en forme d'hélice, venait tout bonnement de projeter un gigantesque amas de fumée grise sur tous les passagers, qui toussotaient d'un air indigné.

Folie - Recueil d'OS ᵐᵘˡᵗⁱOù les histoires vivent. Découvrez maintenant