vingt-six (1)

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- Ça fait quasiment vingt minutes qu'on est là et je commence à avoir faim alors ce serait cool que tu me dises quelque chose. Ou juste que tu bouges ?

Karen était étendue sur le lit de la chambre d'amis, dont les draps étaient maintenant complètement froissés tant elle ne tenait pas en place. Elle se redressa brusquement :

- Tu veux que j'aille piquer des petits fours dans la cuisine ? Parce qu'à l'heure qu'il est... 

Elle jeta un œil à son téléphone pour confirmer son intuition avant de soupirer :

- On a déjà raté le buffet des entrées. Ça te tente ? 

Aucune réponse ne lui parvint. 

- Bon si tu veux on peut aussi rester ici à ne pas se regarder et à ne rien se dire, on a été diablement efficace jusqu'ici je trouve...

Leigh fixait le papier peint, front toujours appuyé contre la cloison, depuis assez longtemps pour voir complètement flou tant ses yeux étaient bien trop près du mur. Elle se repassait en boucle les derniers événements sans plus savoir dans quel sens tout s'était déroulé. Les phrases se vrillaient dans son esprit, lui donnant le tournis, et elle tentait de retenir les larmes d'épuisement qui lui montaient aux yeux.

Elle m'attendait. Elle m'attendait. Elle m'attendait. Bordel. Bordel. Bordel. 

Leigh éloigna son crâne de quelques centimètres pour mettre un grand coup dans la cloison, faisant sursauter Karen qui se releva d'un bond. 

- Non mais fais pas ça, qu'est-ce qui te prends ?!

Leigh avait regretté sa décision dès que son front était entré en contact avec la plaque de plâtre, déclenchant une violente et quasi-immédiate douleur. Elle porta sa main à sa tête pour masser la zone douloureuse et devina plus qu'elle ne vit Karen se planter devant elle à travers ses yeux embués de larmes. Celle-ci la regardait d'un air concerné et mécontent, comme une mère s'apprête à réprimander son enfant. 

Leigh leva les yeux vers elle et gémit d'une petite voix :

- Aïe.

Karen et Leigh se fixèrent trois longues secondes avant d'éclater de rire en chœur tant la situation était absurde. Leigh pleurait et riait en même temps, déchargeant toutes les tensions accumulées depuis trop longtemps. 

Elles reprirent leur souffle et Karen se jeta sur le lit pour s'y rallonger, ou plutôt s'y vautrer lourdement. Leigh s'accroupit et finit par s'asseoir, s'adossant au mur. 

- Si tu veux savoir, il existe actuellement un univers parallèle dans lequel Anja Marenger et moi avons un avenir commun. 

- Un univers parallèle, sérieusement ? 

- Pas dans le sens fictionnel avec des super-héros dedans... Dans le sens des univers parallèles que décrivent les équations de la mécanique quantique tu sais, où les particules coexistent dans des états superposés. Chacune d'entre elles est présente dans un univers et absente dans l'autre, au même moment, ces deux univers se déroulent en parallèle dans le cours du temps et... Ouh là tu devrais voir la tête que tu fais !

Le visage de Karen s'était figé dans une grimace cocasse.

- Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu racontes. T'es sûre que tu te sens bien ? Le coup de tête que tu as mis dans le mur t'a trop secoué les neurones je crois...

- Mais non je vais très bien, je suis tombée sur un reportage l'autre jour c'est tout, sourit Leigh. Ce que j'essayais de te dire, c'est qu'avec Anja j'aurais vraiment eu une chance, si les étoiles s'étaient alignées autrement. 

Éblouissante [gxg]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant