Éblouissante [gxg]

deux

Leigh réussit finalement à fuir, profitant d'un instant d'inattention de sa belle-mère pour ouvrir la porte-fenêtre la plus proche dès que tout le monde eut le dos tourné. Elle se retrouva sur une sorte de balcon-terrasse, où des escaliers permettaient d'accéder aux très chics jardins à la française du manoir dont la mère de Thomas n'avait cessé de se vanter.

- Cigarette ? s'éleva une voix qui fit sursauter la jeune femme.

Leigh déclina poliment. Anja Marenger était appuyée contre la rambarde, un peu à l'écart, à peine éclairée par la lumière qui provenait du salon. Elle avait tourné la tête vers Leigh et lui souriait, sans que celle-ci sache bien si ce sourire était simplement aimable ou franchement menaçant. Son manteau était nonchalamment posé sur ses épaules, permettant à Leigh d'entrevoir sa robe par intermittence, selon la volonté du vent. Leigh se sentit obligée de se justifier.

- Je pensais qu'il n'y avait personne sur ce balcon.

- Vous ne me dérangez pas, répondit laconiquement Anja avant de reporter son regard sur les étendues obscures devant elles.

Un silence pesant s'installa, le temps pour Leigh de s'appuyer elle aussi contre la balustrade en pierre. Elle baissa les yeux un instant et remarqua les quatre ou cinq mégots de cigarettes éparpillés à ses pieds.

- Ça fait longtemps que vous vous cachez ici ? lança Leigh pour empêcher le malaise d'enfler.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que je me cache ? répondit aussitôt la journaliste.

La femme tourna la tête vers Leigh, secouant le brushing parfait de ses cheveux roux par la même occasion. 

-  Je ne sais pas, je me suis bêtement dit que vous fuyiez comme moi le trop-plein de monde.

Anja porta la cigarette à ses lèvres et souffla lentement la fumée qui s'évapora dans la nuit. 

- Disons qu'après deux heures à faire la conversation, j'en ai eu assez du politiquement correct, soupira-t-elle.

- Vous êtes journaliste, vous devez avoir l'habitude de meubler des conversations inintéressantes avec un peu d'hypocrisie, non ?

- Rien n'est aussi simple que ça, mon métier c'est un peu comme le cinéma, tout est fait pour paraître plus lisse à l'écran. Mais les platitudes dans la vraie vie c'est juste... Barbant.

- Soyez rassurée, j'ai épuisé mon quota de banalités échangées pour la soirée.

Anja lui sourit doucement avant de tirer de nouveau sur sa cigarette.

- Pourquoi vous fumez autant ? lui demanda Leigh d'une façon un peu abrupte.

- Qu'est-ce qui vous dit que je fume beaucoup ?

- Mon instinct, et aussi les mégots que vous laissez traîner sur le sol.

Anja observait la jeune femme avec attention.

- Vous parlez toujours de cette façon aux gens que vous venez de rencontrer, ou ça m'est destiné en particulier ? interrogea-t-elle, plus curieuse qu'offensée.

- Sincèrement, c'est juste pour vous. Je profite d'être loin des mondanités pour tenter le politiquement incorrect.

Contre toute attente, Anja lui renvoya un sourire sincère et décida de répondre à sa question.

- Je crois que fumer m'occupe. Ça me permet aussi d'aller prendre l'air au beau milieu de ce genre de soirée. Et j'ai eu les meilleures discussions de ma vie sur un perron, pour échapper à la pluie, avec quelques fumeurs venus se réfugier eux-aussi.