Éblouissante [gxg]

douze

- Bonsoir Leigh.

Son sang ne fit qu'un tour et elle bondit de son siège.

Anja Marenger. La vie qui s'écoulait lentement passa en arrière-plan et Leigh pressa sa main contre son oreille libre pour tenter de comprendre quelque chose à ce qu'elle lui dirait.

Elle s'éloigna du brouhaha ambiant sous les regards interloqués de ses amies et se contorsionna pour s'extirper du flot de gens qui squattaient l'entrée du bar.

Une fois à l'air libre, tout lui parut soudain plus silencieux et elle put enfin se concentrer sur ce qui se passait à l'autre bout du fil.

Anja Marenger l'avait appelée. Elle l'appelait elle, alors qu'elle l'avait quasiment jetée dehors la veille. Après un silence qui avait du paraître interminable, Leigh parvint à prononcer quelques mots en masquant sa surprise, mais avec tout de même une pointe de sarcasme.

- Madame Marenger, que puis-je pour vous ?

Elle était seulement cordiale, ni trop polie ni trop désagréable, retenant les déchaînements d'émotions qu'avait déclenchés la voix de la journaliste. Un nouveau silence lui répondit avant d'être brisé par quelques mots graves.

- Vous n'avez pas raccroché, pourquoi ?

Le cœur de Leigh se serra.

- Je suis toujours là, en effet. Comment avez-vous eu mon numéro ?

- Ça ne répond pas à ma question.

Tout simplement parce que Leigh n'en avait pas la moindre idée. Cinq minutes avant elle pensait encore qu'elle ne réentendrait jamais parler de cette femme, à vrai dire elle l'espérait même. Et maintenant elles en étaient là, à jouer au ping-pong avec leur rhétorique habituelle. C'était leur truc, et même si Leigh en ignorait les raisons, elle avait besoin de ça pour réussir à lui parler. Pour leurrer son cerveau, et son coeur, et leur faire croire que rien n'avait changé.

- Pourquoi ? Parce que vous m'avez appelée, j'en déduis donc que vous avez besoin de quelque chose, et je ne vous déteste pas suffisamment pour vous refuser mon aide il faut croire. Qu'est-ce que vous voulez ?

- Discuter, tout simplement.

Leigh s'adossa au mur de pierre derrière elle. Seules les basses de la musique techno parvenaient jusqu'à elle et le vent froid la fit frissonner. Tout semblait glacial autour d'elle, et rien dans cette conversation n'avait le moindre sens.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que je ne vais pas vous insulter ou vous hurler dessus... Que je vais accepter de vous écouter même ?

- Je n'avais déjà aucune certitude quand au fait que vous ne raccrochiez pas.

- Et rien ne dit que je ne vais pas le faire.

- Je vous l'accorde en effet. Mais je crois que vous avez plus de choses à me demander que l'inverse.

- Moi je n'ai rien à vous dire.

Un silence pesant s'installa pendant plusieurs secondes qui parurent s'étendre encore et encore, avant d'être rompu brusquement par Leigh.

- Quoique si, j'aimerais quand même que vous m'expliquiez un truc ou deux. Ça vous arrive souvent de vous faire apprécier par quelqu'un qui ne vous a rien demandé, avant de vous comporter comme une garce et de le rejeter violemment comme vous l'avez fait l'autre jour ? Non parce que si c'est le cas, on pourrait peut-être former un club avec ces gens, pour essayer de comprendre quel raisonnement tordu vous est passé par la tête...

- Vous êtes sarcastique, j'ignore si je dois m'inquiéter ou si c'est signe d'amélioration... Mais au moins vous vous exprimez sur le sujet, on avance.