quarante-deux (1)

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L'air glacé de la nuit d'avril s'engouffra brusquement dans les poumons de Leigh, l'empêchant quasiment de respirer. Dans sa tête résonnait des cris déchirants, aigus et rauques comme personne n'imagine pouvoir en pousser, échos innombrables et lancinants d'un seul et même hurlement, le sien.

- Mme Davenport ?

Une voix douce la sortit quelques instants du tourbillon de pensées sombres qui l'entourait.

- Si vous voulez vous nettoyer...

Elle baissa les yeux vers ses mains couvertes de sang séché alors que l'officier de police lui tendait une bouteille d'eau minérale et une serviette en papier.

Leigh releva la tête vers lui, le regardant droit dans les yeux sans vraiment le voir, et tourna lentement ses paumes vers lui. Il eut un sourire doux et compréhensif et ouvrit la bouteille pour imbiber la serviette, avant de la passer doucement sur sa peau.

Il parvint à enlever le plus gros à grand renfort d'eau, mais le sang semblait s'être incrusté dans chaque sillon de sa peau et les mains de Leigh gardaient malgré tous leurs efforts une teinte rougeâtre estompée.

- Vous croyez pouvoir répondre à quelques questions ? finit-il par demander.

Leigh tourna lentement la tête vers lui et le fixa de ses yeux douloureux d'avoir trop pleuré. Il posa une main sur son bras et lui parla du même ton doux.

- Je suis désolé, je suis obligé de prendre un début de déposition ce soir. Pour le reste vous pourrez revenir au commissariat pour compléter dans un jour ou deux, une fois que vous vous sentirez un peu mieux.

La voix éraillée de Leigh se fit entendre soudainement, les prenant tous les deux par surprise.

- J'espère que vous plaisantez, énonça-t-elle, laconique. Dans un jour ou deux je ne me sentirai pas mieux, non. C'est mon amie qui était là-haut, vous comprenez ? C'est...

La voix de Leigh dérailla d'un seul coup et les larmes lui montèrent à nouveau aux yeux.

Mon amie.

Elle se détourna pour laisser ses larmes rouler en silence sur ses joues, lui brûlant les yeux au beau milieu du vacarme de la police tout autour d'elle. Lorsqu'elle reprit sa position initiale sur le trottoir, le policier la regardait toujours.

- Excusez la formulation maladroite. Je voulais dire "moins bouleversée" qu'à l'heure actuelle. Exprimez-vous quand vous serez prête, je n'ai besoin que d'un rapide récit des événements tel que vous les avez vécus depuis votre arrivée chez Mme Marenger.

A la seule mention d'Anja, Leigh vit devant ses yeux danser le filigrane de la femme livide étendue, et sentit de nouveau la brûlure de ses genoux contre le parquet, lorsqu'elle s'était jetée auprès d'elle. Elle commença avec difficultés :

- Je suis arrivée à vingt-et-une heures dix. A l'heure où on devait se voir. J'avais demandé à ce qu'on reporte à demain. Ma meilleure amie était en train d'accoucher, mais son copain est arrivé et je me suis dit que j'allais rejoindre Anja. Pour lui faire une surprise. Quand je suis arrivée devant sa porte, j'ai trouvé un trousseau de clés par terre. J'ai sonné, personne n'a répondu, alors j'ai actionné la poignée, et la porte n'était pas verrouillée.

- Je me permets de vous interrompre, comment avez-vous passé le digicode à l'entrée du hall si Mme Marenger ne répondait pas ?

- J'ai croisé un type. J'allais sonner à l'interphone, dehors, mais il est sorti juste à ce moment-là, alors je suis rentrée.

- Vous pensez pouvoir le décrire ?

- Je l'ai vu une seconde en tout et pour tout... Il était grand et brun, la peau mate. Avec une barbe. Je n'ai pas fait attention à autre chose.

Éblouissante [gxg]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant