Éblouissante [gxg]

vingt-cinq

Leigh ferma la porte derrière elle. Elle avait machinalement entraîné Anja dans le seul endroit de sa connaissance où elles pourraient discuter sans être dérangées : la chambre d'amis du rez-de-chaussée, juste de l'autre côté du couloir de l'entrée. Elles étaient finalement si près de la fête qu'elles en entendaient encore le brouhaha assourdi par les murs épais.

Leigh se retourna vers la journaliste et sa subite détermination s'envola aussi vite qu'elle était venue. Anja était assise au bord du lit et la regardait intensément, ses mains jointes nonchalamment posées sur ses cuisses.

- De quoi vouliez-vous me parler ?

La question à 1000€. Leigh elle-même n'était pas certaine de le savoir. Elle traversa la pièce et lui tourna le dos un court instant, observant un tableau de maître qui devait valoir une petite fortune pour essayer d'y trouver les réponses qu'elle cherchait. Avant de regarder Anja, enfin.

- Est-ce que... tout va bien entre nous ? se décida-t-elle.

- Bien sûr, pourquoi ça n'irait pas ? 

Anja était une excellente comédienne mais Leigh n'avait pas manqué le léger dérapage : Anja n'avait pas pu retenir un léger ton sarcastique sur la fin de sa phrase, et le sourire qu'elle lui décrocha termina de convaincre Leigh de son analyse.

- D'accord, vous m'en voulez... soupira la jeune femme.

- Mais non voyons, reprit Anja sans plus masquer quoi que ce soit, j'ai une vie aussi vous savez, j'ai un milliard de choses à faire autres que me demander pourquoi vous ne voulez pas me voir...

- Avouez que la situation est assez ironique, vous aussi vous m'avez fait ce coup-là...

- 48 heures Leigh, et j'ai appelé pour m'excuser. De votre côté, ça fait cinq semaines que vous avez disparu, et le décompte s'arrête seulement parce que nous nous croisons fortuitement à tous les coins de rue, dans le cas précis ici ce soir...

- J'avais beaucoup de travail je vous l'ai dit, n'allez pas tirer des conclusions hâtives.

- Vos partiels étaient début décembre, ça aussi vous me l'avez dit. Cinq semaines Leigh. Combien de temps était-je censée attendre encore avant de tirer des conclusions qui ne soient pas considérées comme hâtives ?

- Je suis désolée, souffla Leigh en étudiant attentivement les escarpins de la journaliste.

- C'est un peu tard pour ça, et un peu facile aussi, répondit celle-ci d'un ton sec.

Leigh avait relevé brusquement la tête, piquée dans son orgueil.

- J'espère que vous n'allez pas oser me faire la leçon à ce sujet...

- Vous voulez vraiment remettre ça sur la table ? C'est ça votre défense, vous allez dire que c'est de ma faute si vous déconnez ? Je suis loin d'être irréprochable mais au moins je n'ai jamais tenté de rejeter mes responsabilités sur quelqu'un d'autre.

Leigh ne répondit pas immédiatement, Anja avait touché là où ça faisait mal car c'était entièrement vrai. Elle tentait de se dédouaner de ses propres erreurs en accusant la journaliste, parce qu'elle aurait évidemment aimé pouvoir dire que tout était de sa faute, comme à une époque pas si lointaine.

- Je suis désolée, et je suis sincère quand je le dis. Je ne sais pas pourquoi je fais ça.

- Moi je sais. Vous me cherchez pour que je me fâche, que je vous dise vos quatre vérités, comme ça vous vous vexez et vous avez enfin une bonne raison de m'en vouloir.

- Je vous demande pardon ?

- Vous avez envie de pouvoir me détester pour une bonne raison parce qu'actuellement, celle qui vous vient à l'esprit est probablement irrecevable et/ou ridicule. Avouez que vous étiez en colère contre moi avant même d'entrer dans cette pièce.