V - Les enfants sont fatigants

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Une semaine s'était écoulée depuis la convalescence de Dosanko. Le mois de mars pointait le bout de son nez.
À l'extérieur, l'épaisse couche de neige diminuait à vue d'œil tandis que la température récupérait quelques degrés. À l'inverse, dans les locaux de l'Agence, rien n'avait changé. Le travail se faisait toujours rare, les futures enquêtes risquaient d'être influencées par la nonchalance des détectives, et ces derniers passaient le plus clair de leur temps au café Uzumaki, au pied du bâtiment.

Dosanko s'y prélassait justement, accompagnée par Kyôka et les deux Tanizaki.
Elle sirotait un café sans sucre, aimant le goût amer que lui procurait la boisson. Tout comme les plats particulièrement épicés ne lui faisaient ni chaud ni froid, elle était habituée à une telle amertume. Mais, étrangement, elle ne supportait pas l'acidité.
Avec le temps, elle s'était familiarisée avec le patron du café, et ce dernier n'avait plus besoin de lui demander pour savoir ce que la jeune femme allait prendre quand elle passait commande.
Kyôka quant à elle buvait en silence un simple thé vert. Son air habituellement indifférent avait laissé place à une expression détendue et apaisante.
Jun'ichiro et Naomi s'étaient pris chacun une part de gâteau, pour compléter leur petit déjeuner.
Ils discutaient depuis déjà un bon moment, mais ne semblaient pas vouloir quitter les confortables fauteuils verts. La femme du patron - aussi serveuse à temps plein - s'insinuait parfois dans les conversations. Elle connaissait par cœur chaque membre de l'Agence et les considérait tous plus ou moins comme ses enfants. Son air chaleureux et maternel avait tendance à donner le sourire à n'importe quel passant.

« Vous ne semblez pas avoir beaucoup de travail, en tout cas. Mais je ne vais pas me plaindre de passer du temps avec vous.

- Vous avez raison. » S'exclama Jun'ichiro. « Mais je ne vais pas m'en plaindre non plus.

- Surtout que tu peux passer plus de temps avec moi, grand frère... » prononça Naomi. « N'oublie pas ce que tu m'as promis hier soir ~ »

Le visage du roux prit soudainement la même teinte que ses cheveux, et il bafouilla en voyant sa sœur se coller à lui d'un air malsain. Elle passa une main sous son pull trop grand et le pauvre jeune homme se raidit au contact des doigts fins sur sa peau pâle.
Dosanko détourna les yeux avec agacement - cela faisait longtemps qu'elle ne cherchait plus à les comprendre - et se demanda un moment si elle ne devait pas cacher les yeux de la petite de cette étrange scène. Mais elle se rappela que Kyôka était une ancienne membre de la mafia portuaire, et que cela ne devait pas l'affecter plus que ça. S'il y avait bien une innocence à préserver, dans l'Agence, ça serait sans aucun doute celle d'Atsushi ou de Kenji.

« Au fait, mademoiselle Aro. » commença la serveuse et faisant sortir l'interpellée de ses pensées. « Arriverez-vous un jour à convaincre Dazai de rembourser toute son ardoise ?

- Vous pensez sincèrement que j'y arriverai un jour ? Ce n'est pas à moi qu'il faut demander ça. Même Kunikida n'est pas à la hauteur pour une telle mission.

- J'ai remarqué que Dazai-san payait toujours ses plats lorsqu'il était avec vous, contrairement aux fois où vous n'êtes pas là. Vous devez avoir une influence suffisamment forte pour qu'il ait peur de vous. »

La jeune femme sursauta en entendant la douce voix de la petite en kimono. Sa discrétion naturelle suffisait à faire taire sa présence en quelques secondes.
Sa remarque resta en suspens dans l'esprit de la plus grande. "Dazai, peur de moi ? Ça m'étonnerait." pensa-t-elle.
Un coup brusque dans l'épaule la fit sursauter de nouveau. C'était la femme du patron, qui décida d'exposer clairement son avis, sans le moindre tact :

« Moi, je vous dis, c'est pas de la peur qu'il ressent, mais de l'amour ! »

Dosanko vira au rouge pivoine à l'entente du dernier mot. Elle enfouit son doux visage entre ses mains pour cacher ses rougeurs, et bafouilla en essayant de justifier le comportement de son collègue.

Les Lucioles Dansent - Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant