III - Pour des sucreries

1K 85 98
                                    

À peine avait-elle mis un pied dehors qu'il s'était mis à neiger. Malheureusement pour elle, son manteau noir et sa fine écharpe bleu ciel ne la protégeaient pas du vent glacial qui soufflait. Ses chaussures en cuir s'enfonçaient dans l'épaisse couche blanche qui recouvrait la ville et ses longs cheveux lisses étaient ballottés dans tous les sens. Malgré tout, elle se réjouissait d'avoir enfilé un pantalon le matin même.
Dosanko avait beau aimer l'hiver, elle maudissait le mauvais temps, ainsi que la personne qui l'avait fait sortir du canapé bien chaud de l'Agence.

Ce n'était pas une enquête à proprement parler, qu'on lui avait confiée. Plutôt une mission de la plus haute importance à réaliser pour éviter de ternir la réputation de l'Agence. Disons que Ranpo, qui avait un rendez-vous urgent avec un chef de police pour une affaire, avait posé un énorme lapin à ce dernier. Et bien sûr, ce fut Dosanko qui reçut l'ordre d'aller chercher le détective. Dire qu'il n'y avait aucun transport à prendre pour se rendre au commissariat, il n'avait quand même pas pu se perdre.

La jeune femme traversait la foule en frissonnant, suivant l'itinéraire qu'aurait dû prendre son collègue. Elle tournait la tête de droite à gauche et s'arrêtait parfois, le regard las. La foule de passants ne lui facilitait pas la tâche. Peut-être était-il allé au rendez-vous, finalement. Mais elle aurait au moins reçu un message de Kunikida, et son téléphone n'avait émis aucune vibration.

Dosanko reprit sa marche, le pas de plus en plus rapide. Aucun détective en vu.
Elle laissa échapper quelques injures en voyant un énorme nuage noir se rapprocher. N'ayant aucun parapluie, ni même de capuche pour se protéger, elle allait sans aucun doute finir trempée. Mais à lever la tête pour observer le ciel tumultueux de février, elle en oublia de regarder devant soi. Quelqu'un de tout aussi étourdi lui rentra violemment dedans.
Ce n'était décidément pas son jour de chance.

« Aïe ! » S'exclama la détective en trébuchant.

Elle eut la chance de se rattraper correctement, évitant ainsi de s'affaler sur le trottoir humide et boueux. La personne dans qui elle était rentrée avait failli s'effondrer, elle, mais s'était redressée adroitement. Toutefois, le journal qu'elle tenait avait glissé entre ses doigts.

« Désolée ! » S'écria Dosanko en se penchant.

Le bras tendu vers le sol, elle récupéra de justesse la revue imprégnée de neige fondue. Une brochure s'en détacha entre-temps, rattrapée habilement par la brune. Celle-ci parvint à lire quelques mots éparpillés avant de le lui rendre : "Ouverture du musée Harris Float en mai prochain".

"Un amateur d'art ?" Pensa-t-elle, intriguée.

« Ce n'est rien » marmonna l'individu en récupérant ses biens.

Sa voix claire et fatiguée ne trompait personne. Il s'agissait d'une femme, et non d'un homme. Ses longs cheveux ébène ondulaient dans le vent, parsemés de petits flocons blancs. Son écharpe écarlate détonnait au milieu de ses vêtements sombres, traditionnels, qui lui donnait l'air de sortir d'un enterrement. Mais ce furent ses yeux, d'un rouge si profond, qui firent flancher la détective. Elle crut se perdre un instant dans cette immensité sanglante et sans vie.

« Vous... allez bien ? » Demanda gentiment la jeune femme.

Difficile de savoir si elle était réellement inquiète ou si elle disait ça par pure politesse. Son expression était aussi impassible qu'une statue. La seule lueur de vie qui animait son visage semblait se consumer à petit feu, comme la flamme d'un désir inatteignable.

« Hum... o-oui ? » Balbutia la plus petite en clignant des yeux. « Merci. Encore désolée ! Je dois y aller. »

Sur ces mots, elle s'empressa de reprendre la marche. Un coup de vent mordant la força à refermer le col de son manteau. Même après avoir traversé la route, elle sentait toujours un regard déconcertant dans son dos. Mais quand elle décida de jeter un œil par-dessus son épaule, la femme aux yeux rouges avait disparu.

Les Lucioles Dansent - Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant