Les Lucioles Dansent - Bungo Stray Dogs

I - Les Détectives Armés

« On ne juge pas. »

C'est d'une inimitable froideur que la jeune femme aux yeux azur prononça ces mots.
Assise à son bureau, elle tirait sur les manches de son pull en laine, tout aussi immaculé que le chemisier qu'elle portait la veille. Ses longs cheveux ébène, d'ordinaire attachés, recouvraient cette fois-ci sa nuque. Sa façon d'enfouir son menton dans son écharpe lui donnait un air risible qui amusait particulièrement l'un de ses collègues. Et malgré ses innombrables couches de vêtements, elle n'arrivait pas à lutter contre la basse température des locaux.

« Je n'ai encore rien dit. » Répondit le jeune homme à ses côtés d'un air indigné, quoique trop surjoué. Il cachait bien son envie de rire.

L'hiver s'était vite fait ressentir à l'Agence après la panne de chauffage du bâtiment. Tous ses membres avaient troqué leurs vêtements légers pour des vestes et des pulls bien chauds, à l'exception de Kenji qui était habitué à vivre sans électricité à la campagne.
À l'extérieur, Yokohama était recouvert par un fin manteau blanc. Fait qui réjouissait d'avance la plupart des enfants, jouant et sautant à pieds joints dans la neige.

La porte d'entrée s'ouvrit brusquement, laissant pénétrer un courant d'air glacé qui en fît grimacer plus d'un. Kunikida, le nouveau venu, ne sembla pas s'en préoccuper pour autant, et se contenta d'accrocher sa veste brune sur un porte manteau. S'il avait froid, il n'en montrait pas un signe. Son indifférence face à ce genre de détails n'étonnait plus personne.

« Déjà rentré de mission ? C'était rapide. » S'exclama Dazai, celui qui discutait un peu plus tôt avec la brune.

« Ce n'étaient que des gamins... » Se contenta de dire le blond avec lassitude. Ou peut-être était-ce de l'agacement.

Ces temps-ci, les requêtes données à l'Agence n'étaient pas bien compliquées. De simples regroupements de jeunes dans des lieux mal fréquentés, quelques vols signalés, ou encore des trafics de drogue qui n'aboutissaient que rarement. Pour faire court, des cas que la police pouvait très bien gérer elle-même. Mais personne ne s'en plaignait : peu avaient envie de se promener dans la neige.
Pourtant, dès que l'un des détectives revenait d'une affaire, tous les autres étaient prêts à savourer le moindre détail susceptible d'être amusant. Ou du moins, suffisamment intéressant pour pouvoir en débattre longuement. L'ennui se faisait sentir, c'était le cas de le dire. Mais comme à chaque fois ça ne durait jamais bien longtemps.

Kunikida s'approcha du bureau de la jeune femme sous les regards intrigués des autres détectives. Il y déposa un flacon au liquide jaunâtre et hétérogène. Le visage toujours aussi impassible, il rehaussa ses lunettes sur son nez et demanda :

« Aro, tu saurais me dire de quoi il s'agit ? »

L'interpellée détourna les yeux de son écran pour fixer l'objet en question. Elle écarta d'un geste la frange qui lui cachait son iris droit pour mieux en observer le contenu.
La brune souleva légèrement le récipient, consciente de tous les regards qui s'attardaient sur elle. La couleur du liquide lui rappelait vaguement quelque chose. La détective entreprit donc d'ouvrir le flacon, souhaitant vérifier son intuition. À peine le bouchon enlevé qu'une affreuse odeur titilla ses narines, et elle ne put retenir une violente quinte de toux. Elle referma aussitôt l'objet, empêchant la puanteur de se répandre dans la pièce et de causer plus de dégâts qu'elle n'avait déjà dû en faire.
Face aux regards interloqués de ses collègues, elle se décida à parler :

« Ta mission était vraiment aussi simple que tu le prétends ? Ce doit être une drogue ou un sédatif qui affecte la respiration. De quoi faire perdre connaissance à une dizaine de personnes rien qu'en le respirant. »