Livraison aérienne
Après une nuit au sommeil agité – ben oui, c'était difficile de dormir lorsque bouger le moindre muscle était une torture –, j'avais commencé ma journée normalement. Aglaure et Cydippe m'avaient appelée encore une fois, cette fois-ci accompagnées de nos parents. Ils pleuraient et moi aussi. J'avais rarement vu maman aussi faible et sentimentale. Papa était égal à lui-même, toujours aussi sensible. Après avoir échangé quelques nouvelles, ils nous laissèrent entre sœurs. Elles m'avaient raconté leur journée et j'avais fait de même, en passant sous silence l'épisode avec Alsée puis celui avec mon hôte. Encore une fois, j'avais promis de demander à ce qu'elles viennent.
C'était la raison pour laquelle je me trouvais dans le même salon qu'hier, un masque doré en face de moi. J'avais appris que ce petit salon appartenait aux quartiers du maître de maison, et je le trouvais quand même plus pratique que ma chambre pour discuter.
Il se massa le menton – enfin, la partie du masque qui correspondait à son menton –, l'air de considérer la demande que je venais de lui faire.
— Tu veux amener tes sœurs ici ?
— Oui.
La bonne nouvelle, c'était qu'il n'avait pas l'air complètement opposé à l'idée.
— Ça pourrait être dangereux. Elles savent tenir leur langue ? Il ne faudrait surtout pas que de mauvaises oreilles entendent que tu es ici. Sinon, ce serait couic pour nous deux.
Il fit glisser son pouce le long de sa gorge dans un geste explicite. Oui. Couic.
— Je leur fais confiance. Si elles savent qu'il en va de ma sécurité, elles ne feront rien de compromettant. Je leur ferai passer le message : elles n'utiliseront pas leur téléphone et ne prendront pas de photos, et elles ne diront à personne qu'elles sont venues ici. Ça te va ?
Il leva la main comme s'il s'apprêtait à mordiller son pouce pour réfléchir mais se ravisa. Pas si pratique que cela, le masque.
— L'idée d'avoir des gens ici ne me plaît pas plus que ça, mais je te fais confiance. Je demanderai à Zéphyr de faire le taxi, ça limitera les risques de se faire suivre et d'éveiller des soupçons. Il est discret. Tu as une date en tête ?
J'eus un sourire de chat du Cheshire.
— Demain ?
*****
Il avait tenu sa promesse. Je me trouvais dans l'herbe fraîchement coupée du jardin, une main au-dessus des yeux pour ne pas me faire aveugler par le soleil. Mon hôte ne m'accompagnait pas, il préférait rester discret. Je le soupçonnais de s'être carrément enfui de la villa pour faire des affaires ailleurs. Cette idée me fit rire intérieurement. Il jouait les gros durs mais il était aussi allergique au contact humain qu'Aglaure.
Zéphyr descendait du ciel, deux paquets fermement attachés dans ses bras. Je me souvins de la sensation de nausée que m'avait procuré mon premier vol et ricanai. Notre aînée avait une phobie furieuse des montagnes russes, je n'imaginais même pas l'état dans lequel elle devait être.
Leurs pieds touchèrent la terre ferme et Cydippe couru jusqu'à moi. Aglaure se contenta de tomber sur le sol, l'air prête à rendre son déjeuner.
— Psyché !
Elle m'enlaça. Je ris de bon cœur, lui rendant son étreinte aussi fort que je le pouvais. Une décharge de douleur traversa mon corps et je me rappelai que je n'étais pas exactement dans la meilleure des formes. J'avais passé une partie de la matinée à cacher les bleus les plus voyants avec du fond de teint et j'étais plutôt fière du résultat. Elles ne verraient rien. Je serrai les dents mais gardai ma sœur contre moi. Comme j'étais heureuse de les voir !
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Psyché
FantasyPlongez dans le monde des dieux et des nymphes, des sorts et de l'ambroisie, où les coups se font dans le dos et où le mensonge règne en maître... Le tout dans une réécriture moderne du mythe gréco-romain d'Éros et Psyché ! "Vous connaissez sans dou...