Bronzette écartelette
Les journées avaient passé et les bleus sur mon corps s'étaient pour les plus petits estompés. Mon hôte s'était assuré de m'appliquer de la pommade matin et soir, au point où c'était devenu une routine agréable. On échangeait quelques mots, il s'occupait de moi et puis il repartait. Je n'étais pas retournée aux bains. Pour être honnête, je passais l'immense majorité de mes journées sur mon téléphone, sur un transat à côté de la piscine. Je parlais avec ma famille. C'était comme retrouver un semblant de normalité qui me faisait accepter plus facilement ma condition ici.
Cydippe et Aglaure devaient arriver dans quelques minutes et je les attendais dans le jardin, un livre à la main.
J'étais plongée entre deux figures de style compliquées d'Hugo lorsque je sentis une sensation désagréable à l'arrière de mon crâne, comme si j'étais observée. Je le mis sur le compte de la paranoïa et repris ma lecture, mais la sensation persistait. Agacée et complètement sortie de mon roman, je le fermai d'un coup sec et le posai sur mon transat avant de me lever. Je portai un regard sévère autour de moi, les mains sur les hanches. Comme je ne voyais rien d'anormal, je m'apprêtais à me rasseoir, lorsqu'un mouvement au loin, à l'orée des bois, capta mon attention.
Un sentiment de peur figea mes membres. Je ne connaissais cette silhouette que trop bien. Et pour cause, elle avait juré ma mort.
Alsée avançait vers moi du haut de son mètre vingt, mais quelque chose n'allait pas. Son impétuosité légendaire semblait l'avoir quittée, au point où elle passait pour une fillette normale, perdue même.
Je ne fis aucun geste en sa direction. Je me contentai d'attendre, jaugeant sa silhouette. Elle ne s'arrêta que quand elle fut en face de moi, à quelques pas à peine.
Elle leva le visage vers moi. Ses yeux étaient dépourvus de leur rage habituelle, durs seulement. Elle pressait ses lèvres fines l'une contre l'autre, la mâchoire serrée.
— Je ne le dirai pas deux fois, fit-elle, alors écoute-moi bien. Je suis désolée pour la dernière fois. Je me suis laissée emportée par la rage et je suis allée trop loin. C'était complètement immature de ma part. Il est venu me voir, après ça, et j'ai compris mes erreurs. Je me suis trompée sur ton compte. Enfin, un peu. Dorénavant, j'essaierai d'utiliser les mots avant les poings pour communiquer.
Je la considérai du regard, faisant durer l'instant dans le seul but de lui faire rentrer un peu plus efficacement la leçon dans le crâne. Finalement, mes traits s'adoucirent.
— J'ai été insensible aussi, nous sommes toutes les deux à plaindre. J'accepte tes excuses, et je serais très heureuses de communiquer avec des mots avec toi.
Elle esquissa un petit sourire, avant de se reprendre et de fermer son expression.
— Oui, enfin, ne t'attends pas à trop non plus.
Sur ces mots, elle tourna les talons. Je suivis sa silhouette des yeux, amusée. C'était un retournement de situation pour le moins inattendu. Mon nombre d'alliés dans ce château venait-il de doubler ?
Quelques minutes plus tard, mes sœurs arrivèrent. Zéphyr me gratifia d'un bref salut de la tête avant de repartir Zeus savait où. Aglaure accomplit l'exploit de rester debout sur ses deux jambes, quoiqu'un peu tremblante. Cydippe accourut jusqu'à moi. Elle me serra dans ses bras, si fort que j'en fus un peu étonnée. D'accord, je lui avais vraiment beaucoup manqué, on dirait.
Je gloussai, lui donnant des petites tapes dans le dos pour lui faire comprendre de me lâcher. Aglaure posa une main protective sur mon épaule.
— Alors, cette bibliothèque ? demanda-t-elle.
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Psyché
FantasyPlongez dans le monde des dieux et des nymphes, des sorts et de l'ambroisie, où les coups se font dans le dos et où le mensonge règne en maître... Le tout dans une réécriture moderne du mythe gréco-romain d'Éros et Psyché ! "Vous connaissez sans dou...