Chapitre 23

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Tous à vos masques !

J'avais imaginé l'Olympe de nombreuses fois, mais rien ne m'avait préparée pour le fourmillement de sons et de couleurs que cela allait être. Éros nous avait transportés là-bas en un claquement de doigts, au milieu des temples et des demeures. La montagne avait quelque chose qui me rappelait les paysages urbains Hongkongais, en version néon-futuriste. Tout s'entassait et se marchait dessus dans des architectures et des styles complètement opposés, comme si chaque dieu avait construit sa demeure dans le seul but d'attirer l'attention. D'innombrables chemins sillonnaient le mont dans des circuits compliqués, remplis de divinités en train de rire ou de danser, chaque recoin empli d'une musique différente. Aujourd'hui était jour de fête, et tout le monde y participait.

Quelqu'un me bouscula en passant à côté de moi et je faillis lâcher la main d'Éros. Je me raccrochai à lui du mieux que je pus, enroulant mon bras autour du sien et le collant à son flanc. Il rit franchement.

— C'est quelque chose, hein ?

Je hochai vivement de la tête, croisant son regard masqué. Cette fois, il avait opté pour un loup violet couvert de plumes et de gemmes dorées, qui rappelait ses ailes, qu'il avait teintées de violine à l'occasion. Il était beau, d'une prestance à couper le souffle, et que ne manquaient pas de remarquer les divinités mineures que nous croisions. Elles l'évitaient respectueusement, faisant attention à ne pas lui rentrer dedans. Il semblait dans son élément.

On suivait la foule qui se rendait chez Dionysos, carton d'invitation à la main. Je gardai la mienne fermement serrée dans mon poing fermé, un peu plus pâle que d'habitude. J'avais ingéré la potion de Circé et avais pris l'apparence d'une nymphe blonde et plantureuse qui me rendis presque jalouse. Zéphyr lui-même ne m'avait pas reconnu lorsque nous étions allés le voir avant de partir, pour lui expliquer notre démarche. Lui aussi était invité ; il était l'un des dieux du vent, après tout. Avoir un allié de plus près de nous me rassurait, même si je ne l'aimais pas spécialement en tant qu'individu.

La procession avança et bientôt, nous fûmes aux pieds d'immenses marches en marbre, qui menaient jusqu'au palais de Dionysos. Le faste et la grandeur dans celui-ci étaient tellement écrasants que celui de Paris semblait pâlot en comparaison. Ici, tout était fait pour impressionner, écraser, et faire ressentir aux visiteurs qu'ils n'étaient pas grand-chose comparé à l'un des douze Olympiens.

Je n'étais qu'une humaine, sans prétention aucune, et l'impression de gigantisme monstrueux n'en fut que plus grande. La demeure semblait avoir été construite pour être capable de contenir des titans, et je ne voyais pas bien qui d'autre aurait pu ouvrir les lourdes portes, grandes de deux-cents mètres peut-être, qui bordaient une entrée plus vaste que deux terrains de football.

Une partie de l'escalier était taillée dans des blocs de marches de la taille d'un bus, qui diminuaient de taille et augmentaient en nombre au plus on regardait vers la droite ; c'était là que nous nous trouvions, avec Éros.

— Tu ne pourrais pas t'envoler et nous emmener jusqu'en haut ?

J'allais sûrement mourir avant d'atteindre la porte principale, en y allant à pieds. Il secoua la tête, faisant danser ses boucles noires.

— Non, c'est la tradition.

Peut-être deux heures plus tard, nous étions venus à bout de l'escalier. Mes jambes tremblaient, et j'aurais sûrement fini par m'évanouir si Éros n'avait pas fini par me porter une fois la moitié du chemin atteinte, après maintes suppliques de ma part. Une musique forte sortait de l'intérieur, et je pouvais voir des corps s'agiter de là où j'étais.

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