Chapitre 18

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Dorés, dorés, dorés

Lorsque mes sœurs arrivèrent, cette troisième fois, elles avaient le visage grave. Aussitôt que Zéphyr nous eut quittées, Cydippe se pencha vers moi.

— Psyché, on a un gros problème.

On se posa dans le gazon, assez loin de la maison. Cette idée me laissa dubitative, mais l'expression qu'elles arboraient me faisait suffisamment peur pour que je ne discute pas. Aglaure prit une inspiration, comme pour se donner du courage.

— Promets-moi de ne pas paniquer, d'accord ?

Une boule se forma dans ma gorge. Maintenant, je commençais vraiment à redouter ce qu'elles allaient me dire. Je répondis à l'affirmative, les lèvres pincées.

Notre aînée se massa les tempes. Maintenant que je regardais mieux, je lui trouvais un air fatigué ; ses yeux étaient cernés de violet et elle avait le teint un peu trop pâle.

— Je sais que tu fais confiance à cet homme, mais ça ne nous a pas empêché de nous inquiéter, avec Cydippe. Alors on a voulu s'assurer que tu n'étais pas en danger.

Je fronçai les sourcils. Cydippe reprit :

— Hier, on a décidé d'enquêter. Déjà, on a appris qu'il n'y avait pas de magicien fabricant de potions aphrodisiaques, c'était du baratin. La vente de produits comme ceux-ci est complètement illégale, même parmi les dieux.

Mon cœur sembla tomber dans mes talons. Coincée au pied du mur, je m'apprêtais à tout leur avouer, mais Cydippe ne me laissa pas le temps de parler :

— Mais ce n'est pas le plus inquiétant. On est montées en voiture et on est venues ici. Enfin, au pied de la colline, près du portail d'entrée. On s'est cachées dans des fourrés et on a attendu.

Elle ménagea une pause pour croiser mon regard, et ses yeux étaient emplis d'une terreur sans nom, au point où j'en eus le souffle coupé.

— On avait fini par croire qu'on allait rentrer bredouille et on s'apprêtait à plier bagage quand on a vu quelque chose. Psyché, ton mari, il n'est pas humain !

Elle trembla, et s'enlaça de ses mains, comme pour se rassurer. Je me jetai pratiquement sur elle, la serrant dans mes bras et lui chuchotant des paroles rassurantes. Ce fut au tour d'Aglaure de prendre le relai. Elle avait le regard résigné et les lèvres qui tremblaient sous l'émotion, un mélange d'effroi et de rage contenue.

— J'ai vraiment cru qu'on allait mourir, sur le coup. Il dégageait une aura de danger comme je n'en avais jamais vue, même en croisant certains dieux. Heureusement, il ne nous a pas vues, et il s'est envolé rapidement. Cydippe a eut le temps de le prendre en photo, regarde.

Elle sortit son téléphone, intelligemment caché dans la poche intérieure de sa veste. Elle me présenta l'écran.

Mes yeux s'agrandirent d'effroi.

La photographie qu'elle me présentait avait bien été prise en face de l'entrée. Je reconnaissais la forêt et le muret en pierres sombres, hérissé d'un grillage en fer noir. Il y avait quelques branchages au premier plan, là où mes sœurs avaient dû se cacher. Devant le portail se tenait un être à peine humanoïde. De grandes ailes noires comme le plomb sortaient de son dos, traînant derrière lui, et des serres tranchantes luisaient au bout de ses jambes de rapace. Son visage à peine humain était surmonté d'un bec courbé et pointu, et ses yeux étaient emplis de folie meurtrière. Il avait une posture tendue, animale.

— Comment être sûre que ce soit lui et pas un autre monstre ? demandai-je, pantelante.

Je refusais d'y croire.

PsychéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant