Chapitre 9

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Le vent frais amplifié par ma course me faisait du bien, éclaircissait mes pensées et faisait passer mon mal de tête au second plan, douleur sourde et toujours présente mais néanmoins supportable. Je venais de déposer Ruddy à ma mère et à Charlie, mais je n'avais pas perdu de temps chez eux. Maman aurait voulu que je reste un peu, pour discuter et manger un bout, mais j'étais trop distraite aujourd'hui. Je ne voulais pas qu'elle puisse le remarquer ou s'inquiéter davantage pour moi.

Je m'étais rapidement enfoncée dans la forêt pour prendre ma forme de loup.

Pas un mot.

Mon ordre n'a été suivi que d'un silence relatif. Personne ne pouvait complètement arrêter son cerveau et le flux de ses pensées. Mais au moins, le fond sonore dans mon crâne était maintenant plus diffus, moins distinct. Plus facile à ignorer.

Je me suis accordée deux minutes, précisément.

J'ai bloqué mes propres pensées. Elles étaient trop personnelles, trop intimes. Je ne voulais pas que les jeunes qui couraient avec moi en saisissent plus que le strict minimum que nous devions tous endurer. Je me suis concentrée sur le vent qui jouait dans mes poils. Sur la sensation de terre humide sous mes pattes. Sur les senteurs riches de la terre et de la forêt. Je ne faisais pas étalage de ma pleine puissance, je n'essayais pas d'atteindre le maximum de ma vitesse : Aujourd'hui, je me contentais d'une petite course, juste de quoi délier mes muscles sans pousser mon corps vers ses limites.

Mes deux minutes étaient écoulées. J'ai légèrement ralenti, puis j'ai donné mes ordres. J'étais en charge de cette ronde : il n'y avait que des nouvelles recrues avec moi. Aucun membre de la meute originelle. Ces gamins avaient beau faire parti de la meute et partager nos pensées, le lien était différent de celui que j'entretenais avec Jacob, Quil, Embry et les autres.

C'est normal, ça, on est bien conscient qu'on ne peut pas prendre leur place, tu sais, sans oublier que...

J'ai dit pas un mot, Joshua.

Il s'est tu. Je n'ai pas capté de pensées désapprobatrices. Même les plus jeunes s'étaient habitués à moi, à mes manières brusques, à l'anomalie que je représentais parmi eux. Et Joshua les agaçait régulièrement aussi. Oh, ils étaient tous très soudés, frères plus qu'amis, mais l'un n'empêchait pas l'autre. Comme Jacob et moi. Enfin, je croyais. Peut-être. Sauf si... Non, j'ai refusé de poursuivre le fil de ma pensée. Comme souvent, je me suis bridée, et j'ai ramené mon attention au moment présent. La meute. Les jeunes. Mon rôle.

Austin, rapport.

Moi ?

Je ne sais pas, tu connais un autre Austin dans la meute ? Non, ne réponds pas à ça. Contente toi du rapport.

Ok, heu, Jacob s'est occupé de superviser la ronde de ce matin. Il était grognon, je crois qu'il a fait une nuit blanche. Pas grand-chose à signaler, hormis trois pièges retrouvés dans la forêt. J'ai bien failli y poser la patte. Ces trucs sont bien cachés. Jacob a dit qu'il faudrait surveiller les environs dans les jours à venir. Si c'est des braconniers, avertir Charlie. Il n'a pas interdit de les effrayer un peu, si on les croise.

Austin, tu n'as pas besoin d'ajouter des détails personnels à tes rapports. Tiens toi aux faits. Ok, tu peux rentrer chez toi, si tu veux. Les autres, allons donc jeter un œil à ces pièges.

J'ai senti l'acquiescement muet d'Austin. Quelques instants plus tard, sa conscience se détachait des nôtres. Les tentatives de braconnages arrivaient de temps en temps dans la réserve, et elles m'ennuyaient profondément. Il n'y avait rien à faire sinon surveiller, transmettre à Charlie, et veiller à ce que les plus inexpérimentés ne soient pas blessés. Parfois, nous pouvions les effrayer un peu, mais même cela manquait de piment, car nous devions rester à couvert autant que possible.

Louve [Fanfiction Twilight]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant