Chapitre 37

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L'après-midi qui a suivi, Sam est revenu me voir. J'étais plus visitée qu'une jeune maman à la maternité, venant de mettre son rejeton au monde, et je n'avais pas encore complètement décidé si j'aimais cela ou non. Au moins, cela me donnait de la distraction. Du genre, cela m'aidait à oublier que j'avais failli y passer.

Sam n' était pas seul : Rudy était dans ses bras. Ça, je ne m'y attendais pas. Lorsqu'il m'a vue, il a poussé une exclamation et a tendu ses petits bras potelés vers moi, se tortillant dans les bras de son père. "Doucement", lui a dis celui-ci, avant de le déposer avec précaution à côté de moi. J'ai échangé un bref regard avec Sam : un regard à la fois très intime et un peu gêné. Je me rappelais encore trop bien avoir hurlé contre son torse, qu'il m'avait tenue dans ses bras. Le souvenir était frais. Et nul doute que la meute avait pu en profiter depuis. Partage d'esprit, et tout ça.

Mais avec Rudy dans la même pièce, l'atmosphère était différente. Je n'étais pas fâchée de voir le petit garçon, j'y étais attachée. Si j'étais aussi, il n'avait pas vraiment eu le temps de me manquer, j'avais eu bien d'autres sujets de préoccupations, mais en le voyant si impatient et si content de me revoir, j'ai réalisé que j'étais tout aussi contente que lui.

- J'aurais du te prévenir avant, s'est excusé Sam, mais il ne parlait que de toi à la maison. Il a entendu les autres parler et ça l'inquiétait beaucoup.

J'ai secoué la tête, signe que ça ne me dérangeait pas.

- Maman m'a dit que t'étais malade ! A commencé Rudy, tandis que me décalais autant que je le pouvais sur le matelas pour lui ménager un peu d'espace- je n'étais pas certaine que le prendre sur moi serait une très bonne idée, dans mon état-.

- C'est vrai, ai-je répondu. "mais on prend bien soin de moi, tu vois ?"

J'ai mollement secoué ma perfusion. Rudy l'a regardé avec de grands yeux sérieux et un peu effrayés. J'étais encore reliée à quelques fils, même si les alarmes étaient éteintes, et tout cela devait être très impressionnant pour un petit bonhomme de son âge.
Sam a brisé le silence d'un râclement de gorge. Il a levé un Tupperware qu'il tenait d'une main, attirant mon attention. Son autre main transportait l'un des livres d'enfants de Rudy.

- J'ai apporté des wraps. Ta mère les a fait. Elle va essayer de passer ce soir. Et te ramener un téléphone portable.

Je me suis saisie de la nourriture avec reconnaissance. Malgré l'insistance de Carlisle, j'avais refusé de manger quoi que ce soit qu'Esmée aurait pu préparer. Je n'étais plus à ça près sur l'échelle de la honte et de la dépendance, c'était vrai, mais l'odeur... Je ne pouvais pas. Il était déjà suffisamment pénible de devoir constamment la supporter dans cette maison... J'avais la sensation d'avoir le nez bouché en permanence tellement la puanteur était lourde et omniprésente.

- J'ai apporté une histoire ! A dit Rudy, en réclamant son livre, que Sam lui a tendu, pendant que je croquais à pleines dents dans un premier wrap
Je retrouvais l'appétit, c'était bon signe. Je m'attendais à ce que Rudy me réclame de lui lire son histoire, mais j'avais la bouche pleine. Le petit garçon m'a cependant surprise : pendant que son père rapprochait une chaise pour s'asseoir près de nous (ses yeux brûlants de mille émotions, son attitude se voulant décontractée, mais je le connaissais trop bien pour ne pas remarquer la tension résiduelle de ses muscles), il s'est exclamé "c'est moi qui vais te lire ! Maman me lit toujours des histoires quand je suis malade".

Bien entendu, Rudy était trop jeune pour savoir lire, mais ça ne l'a pas empêché d'ouvrir son livre et de prétendre s'absorber dans la contemplation des lettres.
Il s'est lancé dans sa propre interprétation édulcorée de l'histoire : C'était celle de Balto, comme toujours, son héros chien-loup préféré.
Je me suis prêtée au jeu de bonne grâce, me penchant avec Rudy sur le livre et lâchant ça et là quelques exclamations appropriées. Il s'était blotti contre moi et, l'espace d'un instant, j'ai eu l'impression de voir la scène de l'extérieur, par d'autres yeux que les miens : La jeune femme alitée, le grand gaillard sur sa chaise trop petite, le bras posé sur la tête du lit médicalisé, penché vers la femme mais sans la toucher, et le petit garçonnet ainsi entouré...
Cela aurait pu être une scène banale, une scène familiale. Pendant un instant, j'ai eu envie de crier, de hurler, parce que tout ceci me paraissait si réel, si proche de moi, je pouvais le toucher du doigt, et pourtant je le savais à jamais inaccessible !
Dans une autre vie, dans un autre monde, sans tout ce foutoir et cette magie idiote, Rudy aurait pu être de moi, tout ceci aurait pu être plus qu'un jeu, qu'une représentation. Et le fait que Sam se soucie de moi, sa réelle préoccupation à mon égard, ce qui s'était passé entre nous récemment... Ça rendait les choses pires encore.
Oh, il n'y avait aucune ambiguïté du côté de Sam. Je ne niais pas sa douleur, sa tristesse, je j'ignorais pas que la situation n'était pas non plus facile pour lui, mais l'amour qu'il avait pour Emily et le bonheur que lui apportait sa petite famille supplantait tout ça de très loin.
Vous pouvez me croire sur parole. Je vous le rappelle : J'avais été dans la tête de Sam plus d'une fois.

Louve [Fanfiction Twilight]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant