⌜𝚝𝚛𝚎𝚒𝚣𝚎⌟

2.6K 383 23
                                    

Bonne lecture !

________________________

Il pleut, et Harry retourne chez lui à pied, avec son vieux parapluie troué.

Il pourrait transplaner, voler, prendre une voiture ou le train, ou encore demander à quelqu'un de son équipe de le ramener (cinq d'entre eux lui ont proposé, et c'est Blaise qui n'a pas trop insisté en voyant son expression).

Il pleut, et Harry ne veut pas se retrouver enfermé, pas tout de suite, pas maintenant.

Alors il marche. Vraiment pas vite, les pieds traînants sur le sol, le sol des gouttes s'écrasant contre le tissu de son parapluie. Les rues du centre-ville sont toujours remplies, puis ça se calme à mesure qu'il atteint la périphérie. Harry Potter fixe les flaques d'eau sur le sol, se prend le vent impétueux qui s'est levé, et essaye de ne pas se laisser distraire par les fourmillements qu'il sent dans tout son corps.

Ils ont tous été pas mal amochés, mais le médecin de l'équipe fait des miracles sur les blessures. Une épaule démise ? Un sort dans la jambe ? Une côte fêlée ? Rien ne tout ça n'est bien grave, alors elle remue sa baguette, leur fait boire quelques potions, et en quelques heures tout va mieux. Miranda, cette gentille femme qu'il ne faut pas énerver, lui a fait boire le double de potion verdâtre, par rapport aux autres.

Elle a passé sa baguette sur lui, sur sa tête, ses clavicules, son cœur, ses cuisses. Elle a froncé les sourcils, a serré les dents, lui a renvoyé une expression triste.

— Pour les blessures de l'intérieur, c'est un psychomage qu'il faut aller voir, Harry.

Les premières années, ça avait été Potter. Puis comme il finissait toujours par se blesser et aller la voir à chaque fin de mission, c'était devenu Harry.

Face à ça, à cette recommandation, il avait cligné des yeux et froncé les sourcils. Que pouvait-elle voir lors de ses examens ? Elle ne parlait pas de l'intérieur de son corps, une chose était au moins claire, mais pouvait-elle vraiment voir plus loin ? Sa colère, sa tristesse, sa solitude, son incapacité à passer à autre chose ?

Harry déglutit, et la pluie redouble.

Il n'a même plus envie d'y penser. Ses blessures ne lui font plus vraiment mal, et pour une mission aussi catastrophique il s'estime heureux que tout le monde en soit ressorti en vie. En un seul morceau.

Ils avaient enfin eu une piste, après tout ce temps. Des messages, des codes glissés à l'intérieur de documents officiels, qu'ils utilisaient pour communiquer. Ils ont découvert un vieil entrepôt magiquement dissimulé, et à l'intérieur des sorciers, des corps de moldus, et beaucoup de sang. Des sacrifices, des sorts qui ont mal tourné.

Harry essaye d'inscrire tout ça dans sa mémoire, d'enregistrer le regard de la femme qui lui a envoyé un sort dans le dos, alors qu'ils se trouvaient en sous-nombre. Sa magie l'a protégé d'elle même, mais elle ne peut pas tout faire non plus, il faut qu'il y mette du sien.

Quand il arrive enfin dans la rue de sa maison, Harry marche plus par automatisme qu'autre chose. Le bruit de la pluie est agréable, ses chaussures sont trempées, il se sent exténué.

Dans un soupir, Harry Potter fait les quelques derniers mètres avec difficulté, car à présent il se dit qu'il peut simplement se laisser tomber sur le trottoir et rester là, tranquillement, à attendre. Attendre quelque chose.

Il finit tout de même par traverser la barrière magique de sa maison, passer le portillon, monter les marches du perron. Mais quand il essaye de glisser sa clé dans la serrure, celle-ci bloque. Il ouvre les yeux, ça le réveille un peu.

Sa bouche devient pâteuse, et il sait qu'aujourd'hui il n'a envie de voir personne — si Sirius ou Hermione s'est invitée pendant son absence pour pouvoir lui tenir compagnie, il compte simplement les ignorer et marcher tout droit vers sa chambre.

La porte est ouverte, il la pousse, inspire.

Il y a des chaussures dans l'entrée. Des chaussures propres et sèches, des chaussures d'homme qui n'appartiennent pas à Sirius. Des chaussures qu'il a offertes à quelqu'un pour son anniversaire, avec son premier salaire. Des chaussures qui viennent d'Italie, et qui sont là, chez lui.

Harry laisse tout tomber par terre : son parapluie trempé, ses propres chaussures, son manteau, son cœur battant. Il traverse l'entrée, et le salon est juste là. Six longs pas, six respirations haletantes, six tambourinements paniqués.

Draco Malfoy se retourne vers lui, assis dans le canapé devant sa TV.

Leurs regards se croisent. La gorge d'Harry se serre.

— Draco, croasse-t-il.

Son meilleur ami se redresse, se lève, et marche un peu vers lui. Il fixe son expression, ses épaules maigres et son pull qui retombe platement. Que se dit-il ? Que pense-t-il ?

— Je suis désolé, dit-il, et Harry ferme les yeux parce qu'entendre sa voix lui donne soudain envie de pleurer.

Il inspire, sent un souffle non loin de lui. Une présence chez lui.

— Je suis rentré aujourd'hui, et comme mon appartement est resté inhabité pendant un moment j'avais pas envie d'aller y dormir, avec la poussière et l'eau froide... j'espère que ça te dérange pas.

Quelque chose éclate dans la poitrine d'Harry, quelque chose de très douloureux qui le pousse à faire très lentement les deux pas qui les séparent. Il lui rentre dedans avec fatigue, pose sa tête sur son épaule.

Draco ne bouge pas, il reste là, solide sur ses positions et une expression de surprise sur le visage.

— Harry, tout va bien ?

— Non.

Un murmure à peine audible. Une gorge si serrée qu'il se sent prêt à pleurer n'importe quand.

— Tout ne va pas bien. Laisse-moi rester comme ça, d'accord ?

Draco ne répond pas. À la place ses bras se lèvent, et il l'enlace avec force. Lui mettre les pieds sur terre, et le faire partir encore plus : Harry soupire, renifle, et l'odeur, la chaleur et la sensation lui prouvent que c'est réel.

Il ne se souvient pas vraiment de la suite. Il se souvient de la main de Draco sur son dos, et ses doigts qui passent sur sa joue pour y récupérer une larme, de leur sensation dans ses cheveux. Il se souvient de son regard, de son « tes cernes sont affreuses, Potter », de la manière dont il l'a serré encore plus parce qu'Harry ne veut pas bouger.

Peut-être s'est-il endormi debout, finalement.

_____________________

Demain peut-être || DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant