⌜𝚚𝚞𝚊𝚝𝚘𝚛𝚣𝚎⌟

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Bonne lecture !

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Le matin, les yeux de Harry sont gonflés et il a du mal à se souvenir.

Assis dans son lit, il porte le pyjama qui traînait dans sa chambre et ses cheveux n'ont sûrement pas vu l'ombre d'un peigne depuis un bon moment. Ses sourcils sont froncés, son estomac grogne, mais alors que les souvenirs de la veille au soir lui reviennent lentement la seule chose à laquelle il peut penser c'est que Draco fait du bruit dans sa cuisine, et qu'Harry pue la transpiration.

Dans un soupir, il se lève et ramasse des affaires propres dans son armoire (il a fait appel à une entreprise de nettoyage, un beau jour au bureau, pour que quelqu'un vienne faire le ménage et la lessive. Harry peut le faire, mais l'affaire en cours était bien trop importante). La personne qui est venue lui a même laissé des petits sachets qui sentent bon entre ses vêtements.

Dans la salle de bain, Harry évite le miroir. Il se déshabille, ignore les bleus sur son corps, ses cernes, sa peau sèche et ses lèvres gercées. L'eau brûlante lui fait du bien, le savon l'apaise : sentir ses cheveux à nouveau propres n'a décidément pas de prix, et au final il y passe bien trop de temps. Le ballon d'eau est magique alors aucune eau froide arrive, mais ses doigts se plissent comme des pruneaux.

La serviette avec laquelle il s'essuie est douce elle aussi, tout comme le tapis devant le lavabo. Harry se brosse les dents, passe les habits propres qu'il a sortis, se rase correctement : quand il ressort enfin de la pièce pleine de buée il se sent neuf et un peu moins fatigué.

Pas totalement bien et pas totalement prêt, mais c'est un début.

Dans le salon ouvert, Harry fait quelques pas et son regard tombe sur la silhouette de Draco face aux plaques de cuisson, qui cuisine façon moldu.

Un sourcil se hausse.

— Tu cuisines maintenant ?

Son meilleur ami jette un coup d'œil par-dessus son épaule, et lui offre un rictus amusé. Draco a les cheveux un peu plus courts, son teint est presque bronzé, ses yeux paraissent encore plus clairs. C'est idiot, mais Harry sent son cœur battre plus fort.

Déjà car Draco est encore plus beau qu'avant, et ensuite car il a changé : changé sans lui aux alentours, changé sans qu'Harry ne l'ait vu venir.

Sa bouche se tord. Il est content de le voir.

— Je fais beaucoup de choses, Potter. Je suis multitâche. Et j'apprends vite : utiliser tout le matériel moldu ne m'a demandé que quelques petites semaines.

Si Harry se penche un peu sur le côté, il peut voir que les œufs au plat que fait Draco ressemblent plus à des œufs brouillés, mais il ne dit rien. Le dos du sorcier lui fait face, il remue ses épaules pour faire fondre le beurre, et tout à coup Harry a envie de le prendre à nouveau dans ses bras.

Il prend une grande inspiration.

— Draco ?

Aucune réponse. Il remarque que la radio qu'il n'a jamais allumée est en marche, et diffuse une musique douce dans la pièce.

— Draco ?

— Quoi, Harry ?

Il sait ce qui va suivre. Le survivant sait que Draco a deviné, juste en entendant le son de sa voix : un ton soupirant, déjà fatigué par une conversation qu'il n'a pas envie d'avoir.

— Je veux en parler au moins une fois. Après, je ne demanderais plus.

Perché sur le tabouret, il voit les épaules de Draco se tendre légèrement. Une seconde, deux secondes, puis un soupir.

Draco Malfoy éteint les plaques, pousse la poêle sur le côté, et se retourne vers lui. Il n'approche pas, s'appuie sur le plan de travail et croise les bras sur sa poitrine.

Quand leurs regards se croisent, la poitrine d'Harry se serre.

— Qu'est-ce que tu veux savoir ?

— Sérieusement ? Tu vas jouer à ça ? Monsieur je pars pour quelque temps et je ne donne plus de nouvelles ?

La colère revient, comme toujours. Il y a des jours où Harry ne ressent que ça. Cette fois, c'est l'air arrogant de Draco qui fait bouillir son sang : il essaye de s'en tirer, de faire comme si le problème n'existait pas.

— J'ai dit que j'avais besoin de partir. Je t'ai pas donné de date de retour....

— Draco. Arrête ça.

Ils se fusillent du regard, pour finalement soupirer à nouveau. La tension reste, puis se dissipe. Draco Malfoy grimace.

— J'avais juste besoin de m'éloigner, d'accord ? De me retrouver.

Il lui lance un coup d'œil, et Harry comprend.

— De t'éloigner de moi.

Il a vu juste, et les traits de Draco se crispent.

— Oui, Harry. Mais pas pour la raison que tu crois. Je sais que tu ne comprends pas, parce que tu es le héros et que tout le monde t'est reconnaissant : moi, je suis juste ton traître de meilleur ami qui ternit ta belle réputation.

— Tu ne...

— Si. C'est ce que je suis. Et c'est pas ta faute, c'est comme ça. Je sais même pas si on aurait pu faire les choses différemment : je suis en vie, toi aussi, et ma mère essaye encore de s'en remettre. Mais j'en avais marre, et franchement je me sentais plus capable de supporter les regards et les remarques, d'être aussi... inutile. Le ministère a mis la main sur une bonne partie de la fortune de mon père, mais je suis encore plus riche que la moyenne : je voulais trouver ma voie, Harry. Trouver quelque chose à faire. Aller quelque part où je serais juste moi : pas l'ami de Harry Potter, pas le sorcier qui a trahi Poudlard et Dumbledore. Juste moi.

Harry regarde ses traits, son expression, et son estomac se retourne. Il lui a manqué, tellement manqué, qu'il ne peut même pas lui en vouloir. Comme d'habitude sa colère va-et-vient, puis repart.

— Et maintenant ? Ça va mieux ?

— Oui, Harry. Ça va mieux. J'ai parcouru l'Europe pour apprendre et étudier, j'ai vécu comme un moldu anonyme en louant des appartements miteux et en squattant des facs remplies d'étudiants en médecine. J'ai appris auprès des moldus, puis auprès des sorciers. Et ça m'a fait du bien : je peux aider, je peux travailler.

Il ajoute, avec un demi-sourire :

— Et je me suis rendu compte que même en le voulant, je ne pouvais simplement pas te laisser derrière moi et avancer. J'aurais pu partir n'importe où, mais je reviens quand même dans cette capitale de malheur.

La radio passe une autre chanson, et les œufs crépitent encore dans la poêle. Draco a l'air satisfait, et Harry sent ses cernes tirer sa peau en dessous de ses yeux.

Ses lèvres s'étirent.

— Je suis content que tu sois rentré, même si c'est égoïste.

— Je sais, Potter. N'importe qui serait ravi de m'avoir dans sa cuisine. Maintenant mange quelque chose avant que tes côtes ne finissent pas faire un trou dans ta peau de petit gringalet sous-alimenté.

Son ventre gronde. Et l'assiette qu'il dépose devant son nez sent bon.

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Demain peut-être || DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant