⌜𝚑𝚞𝚒𝚝⌟

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Bonne lecture !

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Draco sent une pierre lui tomber dans l'estomac.

La sensation est pire que tout, car il ne voit et ne sent que ça : son ventre qui se serre douloureusement, et son cœur qui s'emballe en réponse. Qui s'emballe, oui, mais son sang lui semble se figer tout entier.

C'est pire que tout, car cette fois c'est réel. Il n'y a pas d'échappatoire. Il n'y a pas de solution.

— C'est pas vrai, non...

Ce murmure ne vient pas de lui, mais de l'élève à côté : Draco ne le connaît pas, ne l'a jamais vu, mais il voit dans le coin de sa vision que son visage est complètement défait. Sur la place de l'école, il règne une odeur de sang, de sueur, et de magie crépitante.

Et sur le pont, le Seigneur des Ténèbres s'approche avec son armée, pas à pas tandis que le ciel s'assombrit encore plus. Son visage : c'est la première chose que Draco voit. Son sourire, sa satisfaction, son expression pleine de victoire et de félicité.

Draco voit ça avant toute chose, puis ses yeux glissent : son père, sa mère, cet idiot d'Hagrid.

— Harry....

Il a l'impression d'avoir parlé, mais n'en est pas certain. Sa langue est lourde, sa gorge si serrée. Sa voix ne doit pas ressembler à grand-chose et personne ne se retourne vers lui.

Dans les bras du demi-géant, Harry Potter ne bouge plus.

Draco ne sait pas où est Hermione, dans cette foule, mais il l'entend hurler. Il pense à Blaise, que sa mère a voulu emmener loin d'ici, à Théodore, que son père a puni pour sa faiblesse. Ils sont sûrement là quelque part, eux aussi, et ont les yeux posés sur le corps de Harry, moue et ensanglanté.

Il aurait dû s'en douter. Il aurait dû le savoir. Harry part dans le bureau du vieux fou, revient quelques instants plus tard avec le teint blême, puis l'enlace avec force. Il lui dit « merci Draco de nous avoir choisi », « merci pour tout », « tu es vraiment mon meilleur ami, tu sais ? » et Draco ne sait pas quoi faire d'autre à part le serrer fort en retour.

Draco a attendu le bon moment. Il a attendu que le Seigneur le renvoie à Poudlard, que son parrain soit trop occupé pour le protéger, que personne ne lui fasse confiance : les deux camps, ou aucun ? Personne ne savait vraiment.

Harry, lui, sait. Il l'a vu, en arrivant comme par magie dans l'enceinte de l'école. Il n'a pas pleuré, mais ses yeux verts ont brillé si fort. Il a écouté la menace de Voldemort, est allé dans le bureau de Dumbledore, et en est revenu avec cet air résigné qui a fait trembler Draco.

Il aurait dû s'en douter. À présent, Harry Potter ne bouge plus, et Draco sent une lourde pierre dans son estomac.

Soudain, ils s'arrêtent tous. Le temps se suspend, s'étire : le Seigneur des Ténèbres s'avance, soupire avec un sourire satisfait, et écarte les bras. Sa voix résonne magiquement :

— Harry Potter est mort !

L'annonce est simple, un coup sur un tambour, une simple banalité. Le château sent la cendre. Les cheveux de Draco sont sales et emmêlés, sa mère le regarde avec peur, soulagement, et compréhension. Son père ne ressemble plus à grand-chose (plus depuis son séjour à Askaban).

Un sanglot le prend par surprise. Ses joues le brûlent. Harry n'ouvre pas les yeux, et Hagrid continue de renifler bruyamment en serrant le corps contre lui.

Les élèves ne sont pas encore battus, tout n'est pas terminé, mais Draco ne sait pas quoi faire : à quoi bon ? À quoi bon continuer tout ça si sa vie est d'or et déjà terminée ? Sa vie, c'est sa famille. Sa vie, c'est sa réputation. Sa vie, c'est ce stupide Harry Potter.

Il se penche en avant, le cœur si douloureux qu'il a l'impression qu'il se brise, et pleure en silence. Il a envie de hurler, de se mettre à genoux, de tuer. Il a envie de vomir, aussi, parce que Draco est incapable de réfléchir à ce qui lui reste, à ce qu'il doit faire.

Il entend à peine ce Gryffondor de Neville commencer à parler, à lever une épée, à raviver la foule. Il n'entend pas l'appel de sa mère, qui lui demande de venir la rejoindre, de ce côté-ci.

Ce qu'il entend, en revanche, alors que ses yeux fixent le sol flou et terne, c'est la vague de surprise. L'élève à côté de lui souffler « merlin.... », l'armée de Poudlard se réveiller dans un sursaut.

Il entend Sirius Black arriver par l'arrière, et hurler « Harry ! » mais pas avec la bonne intonation, pas avec la tristesse et le désespoir d'Hermione, pas avec la voix brisée et le cœur en miette. Non, avec surprise et exultation.

Alors Draco relève la tête, et son souffle se coupe.

Car Harry Potter n'est plus dans les bras d'Hagrid, et le Seigneur des Ténèbres n'affiche plus cette expression ravie. De l'autre côté, dans le camp adverse, il n'y a plus que de la surprise, de la colère, de la peur, et une rage qui suit des yeux la route qu'Harry emprunte le long des gravas du château.

La bataille éclate, aussi brusquement que rapidement, et Draco s'élance en même temps que les autres. Il crie :

— Harry !

Et il est presque certain de voir son meilleur ami se retourner légèrement vers lui. Leurs regards se croisent, ce que Draco y voit est comme un électrochoc, et il se concentre sur ce qu'il y a devant lui.

Se battre contre son camp, se battre contre ses parents. Il doit trouver sa mère, lui dire de partir seule. Il doit lancer des sorts, des éclairs verts pleins de rage et de colère.

Le château s'effondre encore un peu plus, et l'odeur de la guerre lui soulève le cœur.

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Demain peut-être || DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant