⌜𝚘𝚗𝚣𝚎⌟

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Bonne lecture !

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Le bar n'est pas bien grand. Un plafond haut, certes, mais il ne doit y avoir qu'une dizaine de tables, en plus du comptoir sur lequel quelques personnes sont accoudées. Une lumière tamisée, une ambiance intime.

Harry n'a rien contre ce bar précisément, il sent juste que sa résistance à l'alcool a beaucoup baissé. Il n'en est pas encore là, pas encore au point de ramener des bouteilles chez lui.

— Alors, c'est quoi le nom de cette fille dont tu m'as parlé la dernière fois ?

À côté de lui, Théodore se renfrogne un peu. Il porte son verre à ses lèvres, les trempe en fusillant Blaise du regard, et lance un petit coup d'œil en direction de Harry. Ce dernier hausse un sourcil. (Car oui, c'est étrange — tout est étrange, bizarre, déplacé, Harry a l'impression de vivre en attendant quelque chose, en attendant que ça passe, en attendant que sa fatigue et sa tristesse partent, que sa colère se fasse la malle, mais non il ne peut pas car à côté de lui des gens vivent et continuent).

Il n'a pas vu ses amis depuis ses mois. Vraiment, pas seulement quelques minutes au boulot dans le cas de Blaise. Il ne sait plus rien d'eux, c'est l'impression qu'il a.

— Une fille ? répète Harry.

Il se force un peu, car même s'il a le sentiment de se noyer, parfois, il doit faire un effort. Blaise et Théo, eux, sont ses amis. Hermione est son amie. Il doit arrêter de faire ça.

— Oh, je... c'est rien de sérieux, c'est juste....

Théodore Nott a choisi la tranquillité, après la guerre. Le métier d'auror, une chasse en continu et de nouvelles batailles, ça lui a presque retourné le cœur. « Blaise et toi, vous faites ce que vous voulez, mais moi je ne veux plus utiliser ma magie pour ça ». Il a eu raison, bien sûr : Harry se demande tous les jours s'il ne ferait pas mieux de mettre un terme à tout ça.

Il a de l'argent, tellement d'argent. Une maison, des connaissances, des amis. Il pourrait simplement se poser pour réfléchir, et décider de profiter de sa vie.

Mais cette enquête, celle sur laquelle il est depuis plus d'un an et demi, celle-là est importante. De la magie, des traces étranges, des enlèvements, un rapport aux anciens fidèles de Voldemort.... Harry passera à autre chose, oui. Sûrement.

Un jour.

Mais pas tout de suite.

— Comment elle s'appelle ?

— Suzanne.

— Ah, soupire Blaise. Donc quand c'est lui qui demande, ça change tout ?

Théodore repose son verre.

— Toi, tu me casses les pieds tous les jours. Ça fait longtemps que j'ai pas vu Harry.

C'est vrai. Harry sourit en le voyant faire de même. Théo a toujours été celui qui lui ressemblait le plus.

— Elle s'appelle Suzanne, continue Théodore. Elle vient d'Amérique, des États-Unis.

— Elle est belle ?

Blaise se penche un peu sur la table.

— Elle est très jolie. Même si je ne suis pas un obsédé de l'apparence comme toi.

S'il y a bien quelqu'un qui profite de sa jeunesse, c'est Blaise. Harry sait qu'il a couché avec la moitié de son équipe, mais tant que ça ne se ressent pas sur le travail alors il n'a rien à dire. Des jeunes femmes, des jeunes hommes : tant qu'ils sont beaux, ça n'a pas l'air de le déranger.

— Tu nous la présenteras ?

— Pas tout de suite. Je t'ai dit que ce n'était rien de sérieux. Je suis encore....

Blaise hausse un sourcil, et soudain il a l'air de comprendre.

— Ooh, sourit-il. Tu es encore en train de lui faire la cour.

Harry sourit aussi, et cette fois ça semble plus facile. Théo rougit, avale la moitié de sa boisson. Blaise a l'air très content de lui.

— Pourquoi est-ce qu'on parle encore de moi ? On pourrait parler de toi, dit-il en pointant son doigt sur Blaise.

— Oh, Théo, tu veux vraiment parler de moi ? J'ai plein de choses à dire, mais c'est peut-être un peu trop ouvert comme endroit je pourrais choquer des âmes sensibles.

Sur sa langue, l'alcool a un goût étrange : comme un coup de fouet amer, qui lui fait autant de bien que de mal. Est-ce qu'il apprécie ? Il n'en est pas certain. Le doigt de Théo pointe soudain Harry.

— Bon, j'ai aucune envie d'entendre les histoires de Blaise. Et toi ? Rien de nouveau ? Personne en vue ?

Là, il se passe quelque chose d'un peu étrange, car c'est le visage de Draco qui s'impose. Ses cheveux décoiffés, son sourire narquois, ses yeux cernés. La chaleur de son corps, dans le dernier câlin qu'ils ont échangé avant qu'il ne parte pour l'Europe.

Théo lui parle d'amour, de relation, et Harry pense à son meilleur ami. Il se sent exténué.

— Non, pas vraiment, dit-il.

Et peut-être que son ami a remarqué son air maussade. Peut-être que sa bouche se tord un peu. Blaise, lui, n'a en tout cas rien vu du tout.

— Tu pourrais profiter un peu plus de ta réputation. Sérieusement, t'es Harry Potter. Si tu te levais pour aller parler à n'importe quelle personne de cette salle, elle repartirait avec toi sans aucun problème. Une bonne baise, c'est parfois pas si mal.

Blaise, siffle Théo. La ferme.

Harry n'en a même pas envie. Il ne sait même pas si sa tête est trop pleine ou trop vide, mais ces derniers temps il ne pense même pas à ça : son corps n'a plus envie de dormir, de manger, ou de faire l'amour.

Alors il hausse les épaules, et termine son verre cul-sec.

— Je n'ai... pas envie de rencontrer du monde.

Et ça, au moins, c'est vrai. C'est Blaise qui lui a dit le matin même, alors qu'Harry est enfin rentré chez lui la veille pour prendre une douche et s'allonger dans son lit, qu'il fallait qu'il sorte. Qu'il se détende.

Qu'il manquait à Théo, et à lui (et Harry n'a pas pu s'empêcher de se dire qu'avant, Draco faisait parti de ce petit groupe, que s'il avait été là, il serait venu aussi).

Le cœur de Harry se serre. Il soupire.

— Je vais aux toilettes.

Le bar n'est pas très grand, mais plusieurs têtes se retournent sur son passage. C'est un endroit pour les sorciers, Blaise ne voudrait jamais mettre les pieds dans un territoire moldu pour le plaisir, alors rien de bien étonnant.

Le sol tangue un peu, la porte est lourde quand il la pousse, et finalement le silence des toilettes lui noue la gorge. Harry Potter lance un regard au miroir en passant, mais ce qu'il lui renvoie ne lui plaît pas du tout, alors il se tourne et entre dans une cabine.

Là, en tête avec sa tête douloureuse et ses veines pleines d'alcool, Harry se sent seul encore une fois. Sa main se glisse dans la poche de son pantalon, le premier numéro qui apparaît est toujours le même, et ses doigts appuient sur la touche « appeler » sans y réfléchir à deux fois.

Le « bip » qui résonne plusieurs fois à son oreille ne le surprend pas.

La messagerie qui s'enclenche au bout de quelques longues secondes ne le surprend pas.

Harry ne laisse pas de message, comme d'habitude : Draco ne répond plus beaucoup, ces derniers temps. Il ne se rappelle même plus de la dernière fois.

Ses yeux commencent à le piquer : il sait qu'ils deviennent rouges, que les larmes montent. Ce n'est ni le lieu ni le moment, alors il lève la tête vers le plafond et inspire un grand coup. Draco n'est pas là. Blaise et Théo l'attendent dans la salle.

Dans un soupir, Harry ressort.

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Demain peut-être || DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant