Chapitre VII: Un semblant d'accord

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Que s'était-il passé ? Eijiro m'avait embrassé, sous la pluie, entre deux cours, comme dans les films. Mais je m'étais enfuit, trop secoué pour pouvoir faire autre chose. J'avais passé les quatre heures suivantes, celles de mon cours préféré à regarder des gouttes tomber du ciel, perdu dans mes pensées. Je n'avais pas tracé une seule ligne de plus sur la devanture du magasin. Puis j'étais rentré chez moi, ignorant les messages d'Ochaco qui me demandait de passer pour discuter, comme d'habitude. Peut-être fallait-il que j'envoie un message à Eijiro pour m'excuser. La douceur de ses lèvres m'avait tellement surpris. Katsuki m'avait pourtant bien dit que son ami flirtait et moi je lui avais proposé un rendez-vous. Au milieu du salon, assis sur mon canapé, je frappai douloureusement mon front avec ma paume. J'étais vraiment aveugle. Eijiro m'avait embrassé. Soudainement un frisson descendit le long de ma colonne vertébrale, Katsuki allait me tuer. Quand il allait découvrir que la personne de laquelle il était amoureux m'avait embrassé, il allait me faire disparaitre de la surface de la Terre. Je réfléchis à toute vitesse. Il fallait absolument que j'envoie un message à Eijiro. Je saisis fébrilement mon portable avant de taper des phrases, qui je l'espérais, aurait du sens. Je réécrivis au moins trois fois le paragraphe. Puis lorsqu'il me sembla enfin plus ou moins correcte, j'appuyai, avant de changer d'avis, sur envoyer.

« Salut Eijiro, je voulais m'excuser pour tout à l'heure, en fait je m'attendais pas à ton geste. Je suis désolé, je ne pense pas partager tes sentiments et je ne voulais pas te faire croire le contraire. Aussi, est ce que tu pourrais garder ce rendez-vous pour toi, s'il te plait ? »

Je ne tardai pas à recevoir son message. Prenant une grande respiration, je l'ouvris.

«C'est moi qui doit m'excuser, je me suis imaginé des choses tout seul. Je n'aurai pas du faire ça. J'en ai déjà parlé à quelques personnes pour avoir des conseils désolé. »

Si Katsuki faisait parti de ces quelques personnes, alors je n'avais plus beaucoup de temps à vivre. La peur au ventre, je partis travailler.

Mais rien ne vint. Au contraire, les jours suivant furent étrangement calmes. J'allais en cours et travaillais normalement. Seuls les messages réguliers de Denki me rappelaient ma malheureuse rencontre avec le blond colérique. Au bout de trois journées entières d'une tranquillité possiblement éphémère, je commençai à douter que Katsuki sache quoi que ce soit.

La fin de la semaine arriva rapidement. Les derniers cours de la journée se terminèrent par l'un des plus techniques : le cours d'anatomie humaine. Une personne se plaçait devant tous nos chevalets afin que nous puissions dessiner ou peindre chacune des lignes de son corps. La première fois, je me souvenais avoir été terriblement gêné de voir si peu de pudeur chez le mannequin. Mais avec l'habitude et depuis plus de deux mois de pratique, mes mains de recouvraient plus mes yeux alors que les rougeurs sur les joues s'étaient dispersées.  C'était véritablement l'un de nos meilleurs cours  même si j'étais bien plus doué avec les paysages. J'avais du travailler sans relâche pour décrypter les rondeurs des muscles et les creux du visage. Toute ma vie, j'avais dû me battre pour arriver à atteindre mes objectifs. En effet, n'ayant pas obtenu de bourse, je devais travailler sans relâche pour payer ma première année. Voilà pourquoi, trois soirs par semaines, je livrais des pizzas.

Une fois mon œuvre soigneusement rangé dans mon immense pochette, je quittai précipitamment mon université. En cette fin de semaine, je voulais m'étendre de tout mon long sur mon canapé et regarder la suite de ma série emmitouflé dans un plaid. «Heureusement, mon week-end sera calme » songeai-je en passant le portail qui donnait sur la rue. Le ciel couvert et grondant au dessus de ma tête crachotait une légère bruine désagréable. « Une raison de plus pour vite rentrer ». Alors que je baissais les yeux pour empêcher les gouttelettes de brouiller ma vue, je rencontrai la musculature ferme d'un dos. Je ne pus qu'apercevoir un t-shirt noir avant que cette personne ne m'attrape le poignet pour me forcer à le suivre. Il parcourut pendant plusieurs minutes les avenues animés de Musutafu puis il finit par s'arrêter au milieu d'une petite rue. Ne lâchant toujours pas sa poigne, il plongea ses yeux carmin, toujours enflammés, dans les miens. Il semblait furieux, et ne parvenait pas à le cacher sous un visage neutre. Je voyais la veine pulser sur sa tempe, sa mâchoire crispée et ses ongles enfoncés dans ma peau sous mon manteau. Je m'apprêtais déjà à le repousser s'il tentait quoi que ce soit. Je ne me laisserai plus faire. Il n'était pas comme les élèves du collège, je pouvais essayer de le résonner, je le connaissais mieux à présent. N'est-ce pas ?

Entrelacs de sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant