Entrelacs de sentiments

Chapitre XX: Matinée hivernale

Il reposa mollement sa tête sur le volant de ma voiture en soupirant. Je ne pouvais pas continuer à le voir se morfondre, cette attitude ne lui ressemblait absolument pas. Alors, cherchant à le réconforter timidement, je pris sa main dans la mienne et lui demandai après avoir retourné la question des dizaines de fois dans mon esprit:

-Tu parles de Denki n'est-ce pas ?

Sans croiser mon regard, il hocha la tête. Je me trouvais tellement idiot, c'était pourtant évident, mais j'avais plus envisagé une dispute. Ochaco avait peut-être raison en affirmant que j'étais quelqu'un de naïf.

-C'est ridicule, déclara-t-il soudainement, je le sais. C'est n'importe quoi, mais quand je l'ai vu, j'ai eu... il soupira longuement, comme un coup de foudre.

J'écarquillai les yeux, lui qui était si terre-à-terre, tout le temps à me répéter de ne pas me perdre dans mes songes et de ne pas croire tout ce que je voyais, venait de me révéler avoir eu un coup de foudre. Révéler par n'importe qui d'autre, je ne l'aurai pas cru. Mais il était à côté de moi, dans l'habitacle de la voiture, abattu. Réalisant enfin la signification de cette phrase, un sourire se dessina sur mon visage et je le forçai à relever la tête.

-Ce n'est pas du tout ridicule, voyons. M'exclamai-je en posant doucement mes paumes sur ses joues. Au contraire, un coup de foudre est la façon la plus romantique de tomber amoureux. Ça signifie que vous êtes de véritables âme-sœurs.

Sans attendre, il se débattit et la lueur d'espoir que j'avais cru apercevoir dans ses pupilles indigo disparut aussitôt comme forcées à l'occulter.

-Mais regarde le à se coller sans arrêt à Kyoka, à la complimenter, à se perdre dans ses yeux...

-Il fait pourtant la même chose avec Eijiro et moi, le coupai-je.

-Vous vous êtes des garçons et moi aussi d'ailleurs.

-Il est bisexuel, ça ne veut rien dire, tu le sais. Ce n'est pas une excuse recevable.

-Peut-être... Mais je ne suis jamais sorti qu'avec des filles, comment... Enfin, tu m'as compris.

-Écoute ! Lui ordonnai-je probablement trop vivement. Tout se passera bien, tu ne sauras jamais ce qu'il ressent si tu n'essaies jamais quoi que ce soit ! Sortir avec une fille, un garçon, une personne non-binaire peu importe. Seulement, tu dois bien essayer.

Mes paroles semblèrent enfin le toucher. Il ne trouva rien à ajouter pour me contredire ou même pour dénigrer ses sentiments. Il restait seulement silencieux semblant chercher la signification de mes mots. Alors que je restai à l'observer se détendre petit à petit, il se retourna vers moi un sourire narquois sur les lèvres alors qu'il me rétorquait d'appliquer moi-même mes mots. Je l'entendis ricaner en apercevant mes pommettes me brûler légèrement à l'évocation de mes sentiments. Il semblait aller mieux, mais le connaissant, il devait réussir à me cacher le reste de ses mille questionnements et tous ses doutes, alors je m'approchai dangereusement de lui. Puis discrètement, je saisis son téléphone posé sur le tableau de bord, appuyai avec détermination sur les touches de son code numérique (que je lui avais un jour soutiré) et me rendis dans sa messagerie. Enfin, sous son regard effaré, je pianotai un petit texte destiné à Denki.

Coucou (Hitoshi me lança un regard noir en marmonnant qu'il ne commençait jamais un message comme ça et je crus entendre être traité de gamin.) Je me demandais si tu étais libre (Je questionnai rapidement mon ami qui haussa les épaules.) jeudi prochain ?

Le doigt en suspend au-dessus de l'écran, j'hésitai quelques secondes à ajouter une petite tête jaune faisant un bisou, avant de me reprendre sentant une nouvelle fois le regard de tueur de mon collège.
Je reposai alors son écran contre le pare-brise et ne sachant plus vraiment quoi ajouter, le peu d'alcool que j'avais bu quelques heures auparavant me plongea dans un sommeil réparateur. Je sentis, sans rien pouvoir y  faire mon corps s'affaisser contre le confortable siège de ma petite voiture.