Chapitre 36

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Je me laisse glisser au sol, sur mes genoux, laissant mon esprit vagabonder dans cet afflux soudain de souvenirs.

C'est mon septième aller-retour en l'espace d'une demi-heure. Mes bras tremblent à force de porter tous ces tonneaux de rhum.

« - Pff, boire autant, je crois qu'ils devraient consulter, c'est inquiétant.

- Cesse de geindre et dépêche-toi Alya ! Ils vont arriver dans l'heure et les préparatifs sont loin d'être terminés !

- Oui, oui ! Je sais... Mais bon, je suis sûre qu'ils s'en fichent des préparations, du moment qu'ils peuvent boire et manger.

- Un peu de respect jeune fille, Barbe Blanche protège Romerda depuis une époque où tu ne savais même pas encore lire. Les accueillir comme il se doit, c'est la moindre des choses. »

Ace reste à côté de moi sans rien dire, comme à attendre que je me répète, que je lui confirme mes mots. Que ce n'est pas une blague, que je me rappelle de tout.


Cela fait déjà quelques heures qu'ils sont arrivés, et bien que je râlais au début de la journée, je dois dire que je suis contente de leur présence. À chaque fois, j'ai l'impression qu'ils redonnent vie à l'île. Tout le monde se plie en quatre pour leur préparer un accueil convenable, mais ensuite, le temps n'est plus qu'à la fête.

Certains se sont mêmes liés d'amitié, et profitent de ces rares occasions pour rattraper le temps perdu. Moi-même, je commence à en reconnaître, mais je dois dire qu'il m'est encore difficile d'attribuer un nom à la plupart d'entre eux. On a l'impression que Barbe Blanche recrute ses hommes comme un pêcheur attrape ses poissons, à foison. Ils sont plus nombreux à chaque fois.

Pour autant, ses hommes semblent tous bien traités, et paraissent heureux de faire partie de cet équipage. Tous ? Non, il y en a un qui reste dans son coin. D'ailleurs, je l'observe depuis ma table. Il a l'air préoccupé, il ne parle à personne et ne fait que manger. Quoique on peut lire dans ses yeux qu'il se retient de manger davantage. Lui, c'est sûr, je ne l'ai jamais vu.

Les seuls qui viennent lui adresser la parole se trouvent être, les commandants des premières et quatrièmes flottes. Rien que ça ? Il a toute l'attention de Marco le phénix et Thatch sur lui et pourtant il trouve le moyen de faire la tête ? Rabat-joie.

Je détourne mon regard lorsqu'une main sauvage passe au-dessus de mon assiette avant de disparaître aussitôt.

« - Eh rends-moi ça Sinedd !! Si tu veux des brochettes tu n'as qu'à te servir dans les plats !!!

Il me tire la langue.

- Je te l'ai prise pour ne pas la gâcher. Il mord dedans. Elle est déjà froide ! C'est ta faute, tu n'as qu'à arrêter de rêvasser.

Je le fusille du regard.

- Si papa et maman étaient encore l-

- Oui, mais ce n'est pas le cas alors ferme-là ! Il me fait un doigt d'honneur le sourire aux lèvres et part de la table, ma brochette de porc en main.

- Sale gosse ! »

Le reste de la table finit par suivre, ne laissant plus que moi. D'ailleurs, la table du brun qui fait la tête s'est vidée aussi et les commandants semblent avoir abandonné l'idée d'obtenir quelque chose de lui. Avant même de me rendre compte de ce que je fais, mes pas me dirigent jusqu'à lui, et me font m'assoir en face. Il relève à peine la tête.

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