Chapitre 21

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L'être humain est fascinant.
C'est un comédien naturel.
Il maîtrise cet art mieux que jamais.
Refoulement, mensonge, attitude, artifice, dissimulation.
Cela lui sert,
A lui-même, pour lui-même et devant les autres.
Mais il est un temps où il ne peut plus y échapper, où la supercherie est dévoilée.
Un temps, où il doit se faire face.
Si loin et en même temps si près du but,
Désespoir et abandon, peut-être était-ce le moment pour moi d'affronter la réalité.
Je devais me faire une raison.
Le chemin était encore long,
Je souffrirais encore de mon absence de connaissances,
J'arriverais au point blanc après un grand voyage.

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Vide. Regard froid. Tel un automate, je me laisse faire. Je ne réponds plus de rien et ne suis rien de plus qu'une coquille vide. Deux semaines ont passé. Je ne comprends toujours pas ce qu'il m'arrive et encore moins pourquoi. Bien sûr j'ai la "chance", de ne pas subir ce traitement tous les jours. Enfin, je crois. Je suis désorientée. Je n'ai pas revu la lumière du jour, mais je me fie aux repas. Sans compter que je ne suis pas en pleine possession de mes moyens. Quasiment laissée pour morte dans ma cellule à chaque fin de séance. Je laisse une marque au sol à chaque journée passée et si je ne me suis pas trompée, cela dure depuis deux semaines et cinq jours.

Laissez-moi être plus précise. Après avoir répété plusieurs fois le même schéma, j'ai remarqué que j'avais droit à un emploi du temps très précis, qui se renouvelle tous les trois jours. Premier jour, on me sort de la cellule pour m'emmener dans la pièce, la pièce qui me hante désormais à chaque seconde, celle que je me représente en permanence sans espoir de pouvoir l'effacer de ma mémoire. J'ignore combien de temps prennent mes séances de torture, mais cela me paraît chaque fois durer une éternité. Quand il se lasse enfin, oh je suppose dû à l'absence de mes cris causée par mes pertes de connaissances plutôt que par réel désintéressement de ma mutilation. Et bien quand il se lasse, mes précieux gardes viennent me récupérer. Ils me transportent depuis un brancard pour ensuite aller jusqu'à une seconde salle. Une salle où l'on me soigne.

Délivrance.

C'est le moment le plus agréable. On m'injecte un produit, la douleur disparaît et je m'endors, pour quelques heures de répit. Lorsque je me réveille, je suis de retour dans ma cellule, mon corps est couvert de bandages et le produit ne fait plus effet. Mes membres se réveillent doucement mais sûrement. La douleur remonte et ne me quitte plus. Je me suis longuement interrogée, quel était l'intérêt de me soigner si on voulait ma mort ? Puis j'ai retourné la question. Quel était l'intérêt de me blesser si c'était pour me soigner après ? Alors j'ai fini par comprendre. Tout cela n'était qu'un jeu. Un passe-temps avant que je ne m'en aille pour Impel Down. Les pirates sont considérés comme les pires criminels de cette planète, les arrêter n'est pas suffisant, les faire morfler jusqu'au bout n'est qu'un juste prix et j'entends par là, les emmener au seuil de la mort.

La douleur n'est pas uniquement physique. Elle prend une très grande place psychologique qui rend encore plus dure l'acceptation de cette épreuve non désirée. Alors forcément, j'ai craqué. Étendue sur le sol de ma cellule, à tenter de me convaincre que ça irait mieux, j'ai simplement réalisé qu'on me soignait pour profiter de moi à nouveau. Condamnée, à revivre la même chose. À ce moment-là, je ne réalisais pas encore le nombre de fois que ça allait m'arriver. Je me suis sentie seule, abandonnée et sans espoir de futur. Chaque respiration me coûtait un énorme prix, une immense souffrance. Moi qui avais trouvé le temps si long au début, je trouve maintenant qu'il s'écoule anormalement vite.

C'est seulement à mon retour de la troisième séance que les choses ont légèrement changé. La grand-mère, qui ne m'avait pas particulièrement reparlé s'était approchée de moi. Et plutôt que me laisser mon plateau, elle m'avait donné à manger. C'est vrai qu'avec ce que je subissais, je ne trouvais pas vraiment la force de me redresser ni de me nourrir. En fait, j'en ressentais à peine le besoin. La douleur hantait mes pensées et je crois que mon corps était trop occupé à essayer de me maintenir en vie.

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