2. pétunia

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« Putain, pesta la jeune fille en se relevant. Fleurs de merde ! »

Elle essuya ses paumes qui s'étaient écrasées contre le trottoir, s'énervant contre ces fleurs de merde qui l'avaient fait tomber. Il y avait peu de personnes dans cette rue, c'est déjà ça, la honte était moins grande.

Une fille brune avec un tablier noir passa la porte de la boutique propriétaire de l'étal sur lequel elle avait trébuché, et se rua pour ramasser les fleurs tombées par terre.

Sûrement une employée.

Ryujin était toujours énervée. Qui met des fleurs en plein milieu d'un trottoir ? Elle n'était sûrement pas la première personne à trébucher dessus

« Faudrait changer ces fleurs de place, faut être débile pour les laisser là, c'est dangereux. »

Elle se stoppa net.

Sa phrase avait sonné plus méchante que prévu. Elle le regretta à la seconde où elle s'entendit dire ça, et le regretta encore plus lorsque l'employée leva son visage vers elle pour la foudroyer du regard. Elle était plus frêle que Ryujin, mais paraissait capable de l'égorger si elle prononçait un mot de plus.

Ryujin eut un mouvement de recul. Si un regard pouvait tuer, elle serait morte sur-le-champ.

Pour qui je me prends?

Elle balbutia. « Pardon, c'était pas... » Mais l'employée avait déjà tourné la tête, rassemblant les fleurs restantes. Ryujin se baissa pour l'aider mais la fille esquiva ses mains, n'acceptant clairement pas son aide.

« Je... désolée. » Ryujin recula, et sous la panique s'éloigna du magasin en marchant le plus vite possible.

Le monde ne t'appartient pas, Ryu. Si tu pouvais arrêter de traiter les autres comme tes sujets on en serait pas là.

Elle détestait quand elle ne contrôlait pas ce qu'elle disait. Quand des mots qu'elle avait pensé un instant sortaient de sa bouche sans qu'elle l'ait ordonné à son cerveau.

Alors, mademoiselle Ryujin Shin, quel effet cela fait d'être la personne la plus détestable du monde ? s'interviewa-t-elle dans sa tête. Elle se détestait si profondément.

Encore une fois, t'as été abjecte envers des gens qui ont rien demandé. Super.

Alors que sous la panique sa marche s'était accélérée, elle commença à ralentir et aperçut des formes vertes au bout de la rue.

Oh merde. Le parc. Yeji m'attend.

Elle chercha du regard son amie alors qu'elle atteignit les grilles. À l'instant où elle vit sa tête blonde, elle se sentit déjà mieux.

« Ah bah c'est pas trop tôt ! Tu faisais quoi ?

– Désolée, j'ai trébuché en route... Putain mon skate ! Je l'ai laissé là-bas ! »

Devant la mine interrogative de son amie, Ryujin lui raconta ce qu'il s'était passé.

« T'inquiète pas ! La meuf de la boutique a dû le garder, t'iras le chercher demain matin. Pour l'instant on profite toutes les deux ! »

L'enthousiasme de Yeji gagna son amie qui se sentait déjà mieux, soupirant tout de même à l'idée de devoir se lever tôt, les magasins n'étant pas ouverts le dimanche après-midi.

Alors qu'elle ouvrait la boutique, Lia repensait à la veille. Au culot qu'avait eu cette fille pour oser lui parler comme ça. C'est quand même elle qui est tombée, qui a renversé l'étal, pas l'inverse. Et voilà que maintenant la plupart des fleurs étaient fichues.

Comment des gens peuvent avoir aussi peu de délicatesse ?

C'était tellement frustrant. Elle était de nouveau énervée rien qu'en y repensant. Elle soupira, allant aux toilettes se servir un verre d'eau du robinet.

Je peux bien prendre une pause. Personne ne fait l'ouverture d'un fleuriste de toute façon.

Elle faillit recracher son eau lorsqu'elle entendit la sonnette de la porte, indiquant qu'un client venait de rentrer.

Note à moi-même : arrêter de parler trop vite.

Elle rejoignit le comptoir. « Bonjour, qu'est-ce q... » Elle déchanta lorsqu'elle vit qui était ce client.

Cette cliente.

« Salut. »

Super. La personne qu'elle avait le moins envie de voir en cet instant. Ryujin Shin.

Lia ne répondit pas, essayant de lui accorder le plus glacial des regards. Son employeuse la tuerait probablement si elle voyait comment elle saluait une cliente, mais aucun risque, elle arrivait toujours en retard. Et puis Ryujin n'était même pas une cliente. Après avoir écrasé des fleurs, elle voudrait maintenant en acheter ? Le culot. Lia ne répondit pas à sa salutation.

« Va-t-en » criaient les pensées de Lia.

« Va-t-en » criaient les pensées de Ryujin.

Elle non plus n'avait pas envie d'être là. Elle se sentait coupable de la façon dont elle avait parlé hier à cette fille et elle était terriblement mal à l'aise à cet instant.

« Tu viens pour récupérer ton skate ? » Lia interrogea sans sciller.

Ryujin cligna des yeux, revenant à la réalité.

« Oh euh oui, merci ! » Elle esquissa un sourire, essayant de montrer un peu de sympathie.

L'employée partit dans une pièce au fond, sûrement l'arrière-boutique déduisit Ryujin. Elle revint avec ledit skate, le tendant à sa propriétaire.

« Merci de l'avoir gardé. » Elle sourit encore une fois à la fille derrière le comptoir.

Elle doit avoir mon âge. Pas mon style, mais elle est jolie.

Mais cette fille ne lui répondit toujours pas, sauf si ses yeux parlaient pour elle. Ces yeux bruns qui intimaient à Ryujin de partir.

Elle prit une grande inspiration. « Je suis vraiment désolée pour hier. j'ai vraiment agi comme... comme une conne. Désolée. » récita-t-elle en baissant le regard.

Lorsqu'elle le releva, l'employée avait pincé ses lèvres pour former un demi-sourire, il était clair que c'était juste par politesse.

C'est déjà ça. Un sourire est un sourire.

Ryujin lui sourit à son tour.

« Je m'appelle Ryujin » se présenta-t-elle, souhaitant briser la glace avec cette fille qui, pour une raison ou pour une autre, l'intriguait.

Mais l'autre ne se présenta pas. « Je sais. » répondit-elle à la place, d'une petite voix.

« Ah ? » Cette fille la connaissait ?

« Tout le monde te connait au lycée, expliqua-t-elle.

– On est dans le même lycée ? »

Aïe.

cosmos | jinliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant