3. nénuphar

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Lia cligna des yeux et ne répondit pas. Ryujin pouvait bien déduire toute seule que oui, elles étaient dans le même lycée. Elle venait de le dire, pas besoin de répondre à cette question.

Ne parler que lorsque c'était nécessaire était le principe que Lia appliquait au quotidien. Elle détestait sa voix et était d'ordinaire terriblement timide, ce qui l'avait poussée depuis bien trop longtemps à rester dans son coin. Sociabiliser n'était pas son fort, et ça lui allait comme ça.

J'ai pas besoin d'amis, se répétait-elle.

Ses parents s'étaient inquiétés il y a quelques années, mais elle avait réussi à les convaincre que ça lui allait. Elle avait un ami, qu'elle avait conservé depuis la primaire, mais n'avait jamais cherché à s'en créer de nouveaux

Avec lui, elle se sentait bien, à l'aise et elle-même. Jamais il ne la jugerait, et il était tout le temps là pour elle.

On se voit moins en ce moment, c'est dommage. Faut que je pense à lui envoyer un message pour voir si on peut manger ensemble demain.

« Eho ? » Une main s'agita devant ses yeux alors qu'elle rêvassait à propos de son meilleur ami.

Quoi, elle est toujours pas partie ?

« Laisse tomber. » répondit Lia avant de retourner s'asseoir derrière le comptoir.

Étrangement, pour une fois elle n'était pas timide.

C'est parce que je suis énervée.

Ça lui était déjà arrivé, d'oublier ses complexes et ses insécurités sous le coup de la colère.

Lia étant revenue à son visage de pierre alors Ryujin se vit forcée de repartir. Et ainsi, les jours se succédèrent.

Au lycée, Lia faisait désormais de son mieux pour éviter Ryujin et partait dans la direction opposée lorsqu'elle la voyait au bout d'un couloir. Elle n'avait pas spécialement envie de la voir, même si elle n'était plus énervée.

Pour qui je me suis prise ?

Depuis, elle avait rejoué la scène, les scènes, dans sa tête, revu comment elle avait été sèche, et maintenant elle avait honte de la manière dont elle lui avait parlé. Il arrivait que ses silences passent pour de l'impolitesse, mais jamais, jamais elle ne l'aurait fait volontairement.

J'ai été tellement méprisante. Je peux pas lui en vouloir de m'avoir mal parlé alors que j'ai fait la même chose. Et puis elle, au moins, s'est excusée.

Elle soupira alors qu'elle prenait ses cahiers dans son casier. Il ne restait que 2h de cours, ensuite elle irait travailler, puis elle rentrerait chez elle, probablement accueillie par la désapprobation de ses parents qui aimaient de moins en moins qu'elle travaille après les cours.

Pitié, qu'ils m'enlèvent pas ça, pas la seule chose dans laquelle je m'épanouis. Parce que non Papa, le lycée ne me rend pas heureuse. Et non Maman, c'est pas grâce aux heures où vous m'enfermez dans ma chambre pour me forcer à réviser que j'ai de bonnes notes.

Mais ça, jamais elle ne leur dirait. Non, à la place elle hochera la tête en souriant, en leur disant qu'elle essaiera de rentrer plus tôt la prochaine fois.

Puis elle montera les escaliers, fermera sa porte doucement et face à son miroir, elle s'imaginera leur dire qu'elle en avait sa claque, que si elle pouvait travailler à plein temps elle le ferait, parce qu'aller au lycée chaque matin était la première cause de son anxiété et qu'elle avait franchement envie de se barrer plutôt que de rester ici à être une machine à notes qui les rend fiers, qu'elle avait envie d'être une fille normale, dans une famille aimante qui s'intéresse à elle.

cosmos | jinliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant