16. cinéraire

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Je peux pas retourner en cours, c'est mort.

Mais Ryujin ne pouvait pas sécher. Elle commençait à avoir trop d'absences, et ses amies s'en inquiétaient.

« C'est inscrit sur ton bulletin, ça peut te fermer des portes de louper trop de cours ! »

Elle savait qu'elles avaient raison, mais elle n'avait pas envie de penser à l'avenir. Elle n'aimait pas le lycée, y aller l'angoissait au quotidien malgré les airs qu'elle essayait de se donner, elle arborait cette façade de fille sûre d'elle, de fille qui n'en a rien à foutre.

Mais j'en ai pas rien à foutre. Ça me met juste mal et je peux rien faire d'autre que le cacher.

Non, elle ne pouvait pas aller en cours, pas dans cet état-là. Pas avec des flots de larmes qui menaçaient de dévaler ses joues, marchant le plus vite possible pour que personne ne la voie.

Elle aurait aimé que son cerveau s'éteigne, pour pouvoir oublier l'événement avec Lia quelque dizaines de minutes plus tôt. Mais plus elle essayait de ne pas y penser et plus son esprit rejouait la scène, c'était une boucle infernale qui était en train de la rendre folle.

C'était elle l'imbécile de l'histoire à avoir cru que Lia pouvait ressentir la même chose qu'elle. Mais que pouvait-elle y faire ? Malgré tout ce qu'elle avait essayé pour se ramener à la réalité, à se mettre des barrières mentales et ne pas se laisser croire qu'elle plaisait aussi à Lia, c'était impossible de ne pas se faire d'espoirs quand embrasser la fille dont elle était folle depuis des semaines faisait partie de son quotidien.

Elle soupira. C'est fini maintenant de toute façon. C'était plutôt clair, elles ne risquaient pas de se reparler de sitôt.

J'aurais jamais dû en parler. Si j'avais rien dit tout serait encore normal. Maintenant, c'est foutu.

Elle n'oubliait pour autant pas les paroles blessantes que Lia lui avait jeté au visage. Comme si elle était dégoûtante, comme si elle avait commis un crime grave, une atteinte à sa personne. Non, je t'aime juste putain.

Tout de Lia lui manquait déjà. Sentir ses lèvres contre les siennes, la voir sourire quand elle lui parle, l'écouter lui parler de ses fleurs... Elle ne voulait pas croire que c'était la fin de ces moments privilégiés avec elle.

Même si on se réconcilie un jour, ce sera toujours gênant, elle pourra pas oublier ça. Elle sentait à nouveau ses sentiments la submerger.

« J'ai tout gâché. »

Une larme tomba. Puis deux, puis trois, puis plusieurs roulaient à la suite le long de ses joues. Elle aurait voulu remonter le temps, revenir il y a une heure où tout allait bien.

Non, plutôt revenir carrément au jour où on s'est rencontrées.

Il y a quelques mois, si elle avait fait attention sur le trottoir quand elle roulait en skate, si elle n'était pas tombée sur ces putains d'étals de fleurs débiles, si elle n'était pas revenue plusieurs fois vers Lia parce qu'elle « l'intriguait » alors jamais elle n'aurait attrapé ces putains de sentiments, jamais elle ne serait tombée amoureuse.

C'est ça le pire finalement. Je suis amoureuse. Elle ne pouvait pas le nier, jamais je me mettrais dans un état pareil si c'était juste une crush. Elle avait tellement mal. Avoir espéré, avoir vécu un tel bonheur pour que du jour au lendemain tout soit effacé, tout soit faux, oui, c'était douloureux. Elle avait l'impression que son cœur se tordait tout en se desséchant, qu'il brûlait mais pas de la même manière qu'elle l'avait déjà senti brûler. Non, cette fois, ça faisait mal.

cosmos | jinliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant