17. glaïeul

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Lia rassembla son énergie pour lever les yeux vers la vitrine, attendant un quelconque client, les bras croisés sur le comptoir. Elle était fatiguée. Les jours avaient passé et elle n'était pas revenue en cours.

J'ai bien fait de revenir ici.

Ces derniers temps, elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de s'occuper de la boutique. Jieun ne lui en avait pas voulu, elle n'était pas employée à plein temps après tout.

Être entourée de toutes ces fleurs l'apaisait. Elle n'avait même plus peur de rentrer chez elle, ses parents devaient être au courant qu'elle n'allait plus en cours mais ne disaient rien. Lia ne cherchait même pas à leur faire croire à une maladie, cela avait dû les alerter et les décider à ne pas la brusquer pour y retourner.

Elle n'avait plus d'énergie, plus de force pour affronter le lycée, elle ne trouvait même pas les mots pour comprendre ce qu'elle ressentait. La jeune fille se sentait tellement plate, vide, fatiguée. Comme si plus rien ne lui importait.

J'ai déjà tout foutu en l'air avec Ryujin de toute façon.

Elle s'en voulait. Elle passait ses journées à se rejouer la scène de leur dernier baiser. C'était quoi ce discours à deux balles que je lui ai sorti ? Plus le temps passait, et moins elle était convaincue par tout ce qu'elle lui avait dit.

Non, ça remonte même à plus loin au fond. Elle se remémorait les phrases horribles qu'elle avait pu sortir depuis qu'elle connaissait Ryujin, depuis qu'elle avait cette terreur de l'homosexualité. Non, c'est même pas de la peur. Elle prit sa tête dans ses mains, adossée au comptoir. C'est pas elle qui me dégoûte finalement. C'est moi. C'est moi qui me dégoûte.

Elle aurait voulu taire ses pensées, s'empêcher de comprendre ce que son cerveau voulait lui dire. Elle se retenait de pleurer.

Elle croisa ses bras sur le comptoir et y posa sa tête. Pourquoi tout était si compliqué ? Pourquoi les attitudes devaient-elles changer suivant la personne, pourquoi tout était perçu différemment selon le genre de l'individu ?

Qu'est-ce qu'on s'en fout, au fond, que ce soit une fille ?

Elle en avait assez. S'il y avait aucun tabou sur rien j'aurais même pas trouvé de problèmes à embrasser Ryujin à la base. J'aurais jamais menti et j'aurais même pas mal réagi en premier lieu.

Elle sentait son ventre se tordre à l'idée qu'elle ne vivrait plus jamais leurs moments. Ses lèvres lui manquaient, elle ne voulait plus penser à ses discours homophobes qu'elle avait pu balancer sans réfléchir. Je paniquais, j'ai dit n'importe quoi. Au fond on s'en fout que je sois lesbienne ou pas, non?

Elle avait envie de pleurer. Je veux juste être avec elle. Pourquoi c'est si compliqué ? Sa poitrine se crispa. Elle lui manquait tellement. Si ça avait été un mec j'aurais ressenti la même chose et je me serais jamais torturé l'esprit comme ça. C'est une fille mais ça veut rien dire sur qui je suis, je vaux pas moins que les autres.

Elle aurait voulu parler de tout ça à quelqu'un. Savoir quoi faire. Soudain, elle pensa à Chan. C'était la seule personne au courant avec Ryujin, elle ne lui en avait jamais directement parlé mais leur discussion de la dernière fois laissait penser qu'il savait. Chan était toujours de bon conseil, il l'aiderait forcément, il avait essayé de lui en parler en premier après tout.

Elle lui envoya un message, et ils se mirent d'accord pour aller chez lui ce soir, comme ils avaient l'habitude de faire il y a plusieurs années.

La porte d'entrée s'ouvrit quelques secondes après que Lia ait toqué, donnant sur son meilleur ami, l'air fatigué. Elle était assez gênée de ce qu'elle s'apprêtait à dire mais aussi de la façon dont ils s'étaient quittés la dernière fois. Ils montèrent dans sa chambre sans un mot, Chan semblait froid, presque en colère. D'accord, la dernière fois j'ai pas voulu avouer que j'avais embrassé Ryujin, mais il devrait plus m'en vouloir non ?

cosmos | jinliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant