Under : Blue Velvet [Saison 2]

Je te pourchasserai

Comme presque tous les soirs, Shōto était venu me retrouver sitôt ses obligations terminées, et après un moment charnel, il s'était endormi contre moi, un sourire de plénitude sur les lèvres. D'habitude, cette vision ouvrait les portes à de belles rêveries, mais au bout d'une heure à essayer de le rejoindre, je capitulai, l'accès au pays des songes définitivement fermé.

Mon cerveau brouillé par toutes sortes de pensées, mes yeux restaient fixés au plafond. La respiration apaisée de mon petit-ami parvenait à peine à mes oreilles, mes sens faits prisonniers d'une bruyante cacophonie, mes nerfs bouillonnants. Mille questions s'entrechoquaient à l'intérieur de ma boîte crânienne dans une violence fracassante, mes neurones en sang, mon précieux organe étouffé sous une tristesse que je ne désirais pas ressentir. Cet état, depuis environ une semaine, s'était déclenché à la vue du portrait de cet idiot apparu devant moi.

Dans toute sa splendide tentation, il signifiait que je ne devais pas me croire à l'abri, maintenant qu'il s'incrustait derechef dans le paysage. Plus que la reconversion pour le moins surprenante, cette image reflétait sa réponse directe à ma provocation, la rancune intacte deux mois plus tard. Il menait toutes les danses, en particulier celle-ci, je ne devais pas l'oublier. Il comptait me le faire payer et l'addition risquait d'être salée.

Pourquoi Katchan jouait-il les modèles, sinon pour me tourmenter ? Sa propension à l'insubordination, sa manie de contrôler le moindre aspect de son existence, confortait cette impression. En admettant sa décision motivée par un besoin financier, il n'aurait jamais accepté de s'abaisser autant pour une question d'argent. J'avais toutes les peines du monde à l'imaginer contraint d'obéir aux ordres de quelqu'un, sa nature dominante sûrement à l'agonie. Cruelle, cette pensée m'apportait néanmoins l'unique réconfort de ces heures tourmentées.

Le cendré membre de cette minorité de gens d'exception capable d'atteindre les sommets de n'importe quel domaine, grâce à la chance et l'intelligence, expliquait son ascension fulgurante. Cependant, elle m'enrageait. Il ne se passait pas un seul jour sans que je n'entendisse pas une voix féminine s'extasier de sa beauté insolente, ses lignes parfaites. Mes yeux surprenaient même des hommes prostrés devant son image, de temps à autre. Et moi, ancienne victime et spectateur à la fois, je me retenais de hurler.

Son activité favorite, qui consistait à me rendre la vie infernale, reprenait. Tout comme la percée précédente, il mettait du cœur à l'ouvrage, il s'était arrangé pour que je ne puisse pas l'ignorer. Son image, ces échos incessants me poursuivaient, m'emprisonnaient, me contraignait à écouter sa litanie vengeresse.

Une boule de nerfs comprimait en continu mes neurones, persuadés que cette manœuvre étrange démarrait le cycle d'une nouvelle torture qu'il initiait. J'avais dépassé les bornes en m'amusant à ses dépens, il se promettait de me hanter en retour. Et il ne comptait pas s'arrêter là, la menace dissimulée à l'intérieur de ce regard enflammé.

Dans un souci de transparence, Ochaco y était aussi allée de son petit commentaire, le soir de ma découverte. Aidée par le choc inscrit sur mon visage, dès mon arrivée dans l'appartement, elle ne tarda pas à comprendre l'origine de mon expression abasourdie : « Tu as vu cette publicité, n'est-ce pas ? Excuse-moi, mon cœur, je suis obligée de le dire : c'est peut-être le plus gros enculé de la planète, mais qu'est-ce qu'il est sexe ! » Presque malgré moi, j'avais ri, incapable de nier son allégation.

Katchan était doté d'un corps magnifique qu'il savait manier à la perfection lors de ce voyage vers l'extase, mais sa vision ne suffisait plus à me faire courber l'échine. De cette courte période où nos vies s'étaient entremêlées, il ne restait qu'une tempête ombrageuse, portée par les souvenirs de l'horrible face cachée. Hormis un ouragan d'interrogation, cette représentation n'amenait aucun trouble particulier.