ne suffisent pas toujours

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Trois mois.

Trois mois, que les sanglots de Deku me pourrissaient les oreilles, autant qu'ils éraflaient mon palpitant serré dans sa cage trop étroite.

Trois mois, que cette peine ternissait ses émeraudes, leurs éclats désormais éteints.

Trois mois, que ses perles cristallines anesthésiaient toutes mes sensations, dès que mon carmin se posait sur sa silhouette affaissée et brisée.

Notre cohabitation se déroulait de mieux en mieux, une entente cordiale instaurée entre nous, trop fragile, cependant, pour me permettre d'afficher l'inquiétude qui me rongeait les sangs. Même si je souhaitais partir, cet événement lors du bal de charité m'obligeait à rester près de cette âme en perdition. Témoin muet d'un chagrin inconsolable, j'oscillais entre l'envie de gifler son récepteur, ou le prendre dans mes bras. 

Ce coup de tonnerre, survenu lors d'un toast, stupéfia l'ensemble des convives, l'ambiance détendue gâchée par son bruit assourdissant, présage d'un avenir incertain. Il avait en particulier ciblé Deku, livide, son équilibre si précaire qu'il avait dû se reposer sur moi après avoir vomi son dégoût sur le sol immaculé. L'empreinte de cette image trop prégnante, je ne contenais plus ce torrent de haine envers ce surdoué adulé.

À coup sûr, le géant de la médecine avait orchestré l'annonce devant les personnes présentes, tout comme ce geste, face à une vingtaine de journalistes, était calculé. Quand bien même, le minuscule grain de sable de respect relatif que j'étais parvenu à conserver jusqu'à présent avait disparu, aspiré par l'action incompréhensible de l'héritier.

Dès le lendemain, cette onde de choc avait résonné dans le monde médical, et bien au-delà. Les titres d'articles de tous les magazines papier, comme numériques, avaient transformé la nouvelle en argument de vente, la presse à scandale, régalée de ce mets exquis, conte de fées de l'année. Aujourd'hui encore, alors que le temps continuait sa course, qu'un cœur était brisé, elle revenait dans la plupart des conversations au sein l'établissement.

Aidé par mon travail nocturne, je sentais l'odeur du mensonge derrière chaque mot, chaque sourire, chaque regard ; tout avait été étudié au millimètre, et pour un œil non avisé, la supercherie fonctionnait.

Deku s'en doutait, tous ces mois à m'observer avaient affûté son intuition, toutefois, cette exposition, ces bavardages incessants commençaient à l'atteindre sérieusement. Il tentait de garder foi en son amour, mais, trop incertain, s'accrocher à une chimère évaporée au fil des jours, paraissait aussi vain que futile.

Comment le pouvait-il, maintenant que Shōto Todoroki, fils prodigue du géant de la médecine, était fiancé à l'héritière du plus gros centre hospitalier du pays, Momo Yaoyorozu ?

Ensemble, ils alimentaient les rumeurs les plus folles, les discussions les plus enflammées. Bien qu'aucune date n'eût été avancée, on parlait déjà de la fusion de cette décennie, célébré par un mariage princier en grande pompe, où tout le menu fretin serait invité.

Lors de ces trois derniers mois, le couple en vogue n'eut de cesse de s'afficher, main dans la main, toutes dents dehors, à travers divers événements mondains. Les interviews relataient un coup de foudre moins récent que l'officialisation du duo, les photos, participaient à donner l'illusion d'un amour transcendant, destiné à nourrir les rêves de petites filles.

Momo Yaoyorozu irradiait d'une beauté discrète : ses longs cheveux noirs, son visage de poupée parfaitement proportionné ; ses yeux couleur de l'onyx étincelant d'une intelligence et d'une culture sans fond. Elle incarnait la princesse par excellence. Aussi sublime à l'extérieur qu'à l'intérieur, sa chaleur désarmante envoûtait le bloc de glace érigé autour du cœur de celui que rien ne pouvait toucher, lisait-on.

Under : Blue Velvet [Saison 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant