Enculé un jour

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Les veloutés de fumée vers le ciel, je restais accoudé au mur, à l'entrée du Ground Zero, ma cigarette entre les lèvres.

Revenir au bout de deux ans créait une dissonance étrange, ma conscience criait sa vigoureuse désapprobation, le droit de me retrouver devant ces portes désormais perdu. Officiellement, le bar ne m'appartenait plus, sa gérance cédée à Eijiro, un détail réglé bien avant mon départ. Dès l'instant où Deku quitta mon bureau, les sanglots hors de mon corps, ma voix éraillée par mes hurlements, une part de moi réalisa que continuer ainsi commençait à devenir lourd et pesant pour mes résolutions d'antan.

Une impression confirmée par ma présence, le jour de son déménagement, l'erreur de trop, néanmoins, le vide abyssal en moi, compilée à une touche de folie rongeait ma raison, décidait de toutes mes actions. Je n'avais pas résisté à l'envie de le voir, cette pulsion prête à abimer le magnifique visage de Shōto Todoroki insinuée par rafale, le feu de la jalousie maitrisé par un peu d'eau froide.

J'arrivais à ranger dans un coin verrouillé, parfois inaccessible, le fait que Deku m'eût effacé de sa mémoire, cette sécurité interprétée comme une sorte de conséquence directe à mes abus. Une cruelle punition par moment, un bienfait salvateur à d'autres, je l'acceptais en guise de châtiment. En revanche, je ne supportais pas cette étincelle décelée dans ses yeux quand il le regardait.

Sa silhouette en face de moi, dans la salle de bain, mes belles résolutions s'effondrèrent ; la flamme brulante, je voulus à nouveau le posséder, le faire jouir si fort qu'il aurait passé le reste de sa vie à en redemander, en se fichant des oreilles sensibles autour de nous.

Je n'avais pas tant changé, en grandissant : si je domptais mes émotions avec plus ou moins de succès, mon lointain camarade de classe demeurait ma proie favorite, le seul que je désirais vraiment. Pendant ces années où j'esquivais toute représentation mentale de son image, une partie de moi le cherchait toujours de manière inconsciente. Sa réapparition soudaine déverrouilla cette obsession enterrée pour l'élever à son plus haut niveau, me rendant malade au passage.

J'avais beau baiser à tout bout de champ depuis l'âge de quinze ans, je n'étais jamais rassasié. Un seul pouvait prétendre à l'exploit de me satisfaire et, cet élu retrouvé, je me sentais déjà fatigué de combattre cette vérité. Je l'avais voulu bien plus que lui, bien avant lui, l'interdit levé par un ridicule « Un mec, ça assume », le but camouflé, égoïste, d'assouvir un désir tapi des années durant.

Les choses de mal en pis à la suite de cette nuit où le côté charnel de notre complexe relation s'était ajouté, je me cassais les dents, une à une, au fil de nos interactions. Mon arrogante prudence échangeait sans bruit son siège contre un sentiment prohibé, véritable fléau. Pour autant, la difficulté amenée par cet aspect tant physique que spirituel ne pesait pas bien lourd face à ce bonheur que je n'aurais pas dû éprouver. Il prouvait encore que je n'avais jamais réussi à lutter correctement contre l'emprise de ce magicien, même du temps de notre très longue séparation. Rédemptrice, elle avait pourtant échoué à altérer cette évidence à partir de cet instant où il se trouva dans mon bar, ce soir-là.

Quand je pris conscience de la spirale autour de nous, dans cette salle de bain, disparaître paraissait l'unique solution, tentative désespérée de stopper la propagation de ce virus à l'antidote inconnu.

Sous les effets de la nicotine, je me détendis, presque prêt à entrer dans la boite. Mon meilleur ami m'attendait, mais l'idée de retrouver ma toute première addiction, transformée en barman quelques mois suivant mon départ, me rendait nerveux. Eijiro m'avait justifié son embauche, le cœur au bord des lèvres, la suppliante requête de l'étudiant impossible à refuser, selon ses dires. À l'autre bout de la ligne, je souriais sans retenue, au rappel de toutes ces fois où Deku se montrait irrésistible.

Under : Blue Velvet [Saison 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant