Les pures intentions

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Le club où m'avait donné rendez-vous Ochaco, de l'extérieur en tout cas, ne semblait pas bien grand. Baptisée « Jazz Paradise », la façade de l'endroit, située à une bonne vingtaine de marches de mon domicile, était éclairée par intermittence par un spot bleu nuit. Une porte peinte en noire accueillait habitués et gens désireux de s'ouvrir à autre chose que de la J-pop.

Sans hésiter, je descendis le petit escalier, mon ouïe déjà enchantée par les notes perçues, alors que je m'arrêtai en face d'un tableau de la couleur de l'entrée. Écrite avec grand soin à la craie blanche, la carte détaillait les boissons, alcoolisées ou non, ainsi que leurs prix.

Un voile d'intimité inviolable recouvrait l'intérieur, toute la salle baignée dans une lumière violacée, les tables rondes disposées de manière que serveurs et clients puissent slalomer entre elles, sans risquer de perturber l'excursion de chacun.

Au creux d'une douce étreinte sonore, la foule dispersée dans les différents coins dansait en duo, quand certaines têtes se balançaient au gré du saxophone mélancolique. D'autres voyageurs fumaient, discutaient à voix basse ou sirotaient leurs cocktails en solitaire, le regard perdu dans une rêverie éveillée.

Tous semblaient prisonniers à l'intérieur d'un halo d'évasion ensorceleur.

Hypnotisé par la mélodie, la maitrise du musicien en transe, je ne vis pas les signes de ma meilleure amie, jusqu'à ce qu'une voix agacée par cette turbulence lui ordonne d'arrêter. Entendre son prénom, en plus de prouver sa venue habituelle, m'informait qu'elle m'attendait. Et en effet, en effectuant un rapide tour circulaire, son clin d'œil espiègle ne m'échappa pas. Le palpitant gonflé d'émotion, je m'empressais de la rejoindre, tandis qu'elle se rasseyait sur sa chaise. La couleur de son visage était masquée, mais je l'imaginais rouge de feu.

— C'est quoi, cette tête de mort-vivant, remarqua-t-elle, en guise d'accueil, sérieux, tu fais flipper, Deku !

Je la remerciais en souriant, la boule nichée dans mon estomac évaporée par ce franc-parler qui me manquait tant. Habillée d'une robe pourpre, d'un petit gilet blanc sur ses épaules, et des bottines beiges, Ochaco avait relevé ses beaux cheveux aux reflets ambrés en une queue de cheval haute. Les traits de son faciès poupin sans maquillage, j'osais la trouver jolie, tout en implorant le pardon de son compagnon.

Nos retrouvailles, repoussées par la venue inopinée de cet idiot dans notre appartement, le regard marron et enjoué dénouait tous mes nerfs alimentés par un sentiment d'allégresse plus ressenti depuis une éternité, semblait-il. Dès que je me fus installé, un flot d'excuses et de déclarations enflammées se déversa entre nous. Notre débit de parole ininterrompu nous fit nous esclaffer, puis, galant, je la laissais ouvrir le bal des confidences.

Elle se sentait comblée avec Fumikage, et pas parce qu'il exauçait tous ses vœux, qu'il la traitait comme une déesse, dont il chantait tous les jours les louanges. Vibrer au contact de l'autre moitié de son âme rendait tout plus facile, plus stimulant. Elle redécouvrait l'amour et ses joies, abordait cet avenir qui l'effrayait, il n'y avait pas si longtemps encore, avec une assurance aveugle, tant que son compagnon l'envisageait avec elle. C'était à ce point évident entre eux, qu'ils parlaient mariage à demi-mot, à la fin de leurs études respectives.

Elle me détailla son internat, sa volonté d'être assignée au service pédiatrique de son hôpital, après sa rencontre bouleversante avec un petit patient nommé Ryoji Susumi.

La chirurgie réparatrice attirait ma belle, sa décision arrêtée bien avant notre toute première conversation, à l'université. Dès son plus jeune âge, elle s'était accrochée à ce moyen de gagner une montagne d'argent, dans le but de mettre ses parents à l'abri. Tout ce qui comptait durant ses études, c'était que ceux qui l'avaient élevé ne manquaient de rien, ce travail sélectionné pour y parvenir, sauver des vies arrivait en second dans les raisons de ce choix de carrière. Le souhait refroidi, dû au courant gelé jeté sur leur relation, c'était presque comme si l'enfant avait été envoyé par la providence, avec l'offrande d'une nouvelle ambition, débarrassée de son aspect pécuniaire.

Under : Blue Velvet [Saison 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant