Epilogue

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Une fois arrivé à destination, Deku m'informa qu'il allait coucher Eri, endormie d'un sommeil de plomb durant le voyage long de trois heures et une poignée de minutes. Je retins de lui faire remarquer qu'il avait besoin de repos, il paraissait exténué, lui aussi. Néanmoins, la nervosité saturait son cerveau bouillonnant, au point de se refléter sur son visage, dans ses gestes, elle refuserait l'accès au pays des songes, maintenant que nous avions commis un acte puni par la loi.

Une part de moi se questionnait toujours sur ce qu'il m'avait pris, de le seconder dans cette folie, mais je ne la regrettais pas, ni elle, ni ses conséquences à venir. J'avais décidé d'écouter son intuition ; si Deku était persuadé qu'Eri se trouvait en danger en compagnie de son oncle, je n'avais aucune raison de douter. Ses sentiments paternels, capables de fausser son jugement, d'emblée mis hors de cause, c'était mon propre ressenti qui m'avait en outre poussé à l'aider, je savais qu'il ne se trompait pas.

L'élan irréfléchi de sa fibre maternelle coûterait cher cependant, à commencer par sa place à la clinique. La mienne aussi, mais je m'en fichais. D'autres perspectives m'étaient toujours offertes, alors que Deku ne vivait que dans le but de sauver des vies, il l'avait encore prouvé ce soir, d'une manière tordue, sans aucun doute. Mais également de la plus belle des façons.

C'était un acte fou, et je ne pouvais pas retenir l'inquiétude qui gagnait du terrain dans mon intérieur agité. Toutefois, elle était contrée par l'admiration de son rêve abandonné au bord de la route de son avenir, pourtant semé d'embûches.

Sa motivation compréhensible, à cet instant, il m'apparaissait dans toute son immense dimension héroïque, sa brillance renforcée, la figure qu'elle éclairait encore plus inatteignable.

Mon partenaire de crime me pria d'aller me présenter à son tuteur, un inspecteur du nom de Toshinori Yagi, pendant qu'il allait mettre sa fille au lit. Il m'indiqua le chemin vers le bureau du propriétaire des lieux, où il se trouvait sûrement ; puis le papa s'engouffra, sa précieuse princesse dans les bras, à l'intérieur d'une pièce dont il ouvrit la porte au préalable.

Son ancienne chambre, probablement.

Je me dirigeai vers un petit jardin, ne pouvant d'abord résister à l'envie de fumer, ce besoin rendu vital par la tournure des événements. Par chance, même si je ne consommais plus de cigarettes à cause du contrat lié à ma carrière de modèle, j'en gardais toujours une dans une de mes poches pour me motiver à ne pas l'allumer. Si elle restait tout au long de ma très longue journée, cela signifiait que j'avais tenu mon engagement.

La méthode s'avérait aussi dangereuse qu'efficace, mais grâce à elle, je me rappelais qu'il y avait cette autre addiction bien plus nocive pour moi que je n'avais pas le droit de toucher.

Ce soir, je ressentais le besoin de transgresser ces deux règles.

L'air doux et frais de la nuit avancée caressa mon visage, et je fermais les yeux pour mieux la savourer, tandis que mes doigts entamaient cette chorégraphie apprise par cœur. Une certaine excitation à l'exécuter, après une année entière à m'en priver, balaya la fébrilité, le bout vite enflammé. Quand je portais mon sésame pour en tirer ma récompense tant attendue, je souriais, à la fois heureux et coupable de ce plaisir interdit.

Des bruits de pas discrets parvinrent à mes oreilles, sans que cela me pousse à me retourner, et lorsque la silhouette se plaça à mes côtés, je n'avais toujours pas bougé.

— Et moi qui pensais que tu avais arrêté, soupira cette voix que je n'avais plus entendue depuis des années.

Elle semblait déçue, sans pour autant cacher la pointe de joie de me revoir, ce qui apaisa les tourments de mon cœur fragile de me retrouver près de son propriétaire, après tout ce temps.

— C'est juste pour ce soir... All Might.

Un léger rire amusé sortit de la gorge de cet individu que je refusais d'affronter.

— Fais attention, jeune homme, je te rappelle que tu n'as pas le droit d'utiliser ce surnom en présence d'Izuku.

En expirant une taffe, je promis de me montrer prudent. Une boule grossissait à l'intérieur de mon gosier, à mesure que les souvenirs de ma première rencontre avec cette seconde figure paternelle affluaient par milliers dans mon crâne. Je tentais de les recouvrir à l'aide de la fumée de cigarette, mais malgré son efficacité habituelle, elle ne parvenait pas à les empêcher de s'entrechoquer.

Bientôt, une larme surgit dans le coin de l'œil et, trop fatigué pour l'arrêter, je la laissais couler.

Une éternité plus tard, bien après la fin de ma clope, j'osais enfin dériver mon carmin vers lui, ma silhouette face à cet homme que j'aimais tant. Sous le voile bleuté, les étoiles et la lune en guise de témoin, je lui adressai d'une voix muette toute ma reconnaissance. Il m'avait sauvé la vie en permettant à celle que je chérissais de se relever et continuer, en dépit de son terrible drame, et pour cette raison, mon admiration lui était à jamais dédiée.

Sensible à ma détresse, il me sourit, une main douce, réconfortante, posée sur une de mes épaules, avant d'être rejointe par la deuxième, placée sur l'autre.

— Je suis ravi de te revoir, Bakugo, affirma-t-il, et si tu m'autorises une petite remarque... les photos ne te rendent pas du tout justice.

Cette sincérité m'avait tant manqué ! J'eus envie de partager mon ressenti, lui dire à quel point cette année fut aussi compliquée qu'éprouvante : ma réapparition au bout de deux années passées sous ma cape d'invisibilité. Mes pas contrits dans cet univers détesté, mon insertion à la clinique, ce trou de mémoire, la colocation, aux côtés de ma tendre addiction que je ne devais plus approcher, tout revint, d'un coup presque fatal. Cette violence s'exprima par un son étouffé, semblable à un sanglot.

Avec précaution, pour me laisser le temps d'accepter ou repousser l'initiative, ses pieds avalèrent les derniers millimètres, puis il m'attira lentement contre lui.

Et soudain, tous mes poids pesèrent sur mon cœur devenu trop lourd. Ils avaient choisi le bon moment pour venir m'oppresser, je ne pouvais pas m'opposer à eux dans mon état. Trop faible et exténué pour résister à leurs charges, je me demandais comment j'avais bien pu survivre jusqu'à présent. Avaient-ils toujours été aussi suffocants ?

La question fut expulsée par la chaleur de cette étreinte, qui, comme une autre, avant elle, lors d'un instant de détresse presque similaire, m'empêcha de sombrer dans le précipice du désespoir.

Vaincu, je m'effondrai, mon soul déversé en silence à l'intérieur de ces bras chétifs, mais à la symbolique si héroïque pour moi.

— Merci d'avoir tenu votre promesse... 


Saya.V

Under : Blue Velvet [Saison 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant