Chapitre 78

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Drago parcourait calmement du regard le champ de bataille. L'ennemi avait réussi à faire deux percées magistrales. Même lui était impressionné, la bataille avait beau être perdue d'avance pour eux, les Nordiens et les soldats Coalition se démenaient comme des bêtes fauves. Ils étaient prêts à mourir pour un futile espoir de victoire et de vengeance.

— Ils ne sont toujours pas revenus, commenta-t-il en continuant d'observer.

— Ils nous ont peut-être trahis, lâcha nonchalamment Dagur.

Drago se tourna vers lui avec un regard noir. L'idée s'était malgré tout immiscée dans son esprit. Bien vite il la chassa, il ne devait pas y songer au risque de la voir se réaliser.

— Alrik a reçu une dose capable de soumettre un dragon, jamais il ne pourrait trahir. Quant à Eskil, il serait exécuté immédiatement s'il essayait de revenir dans leur camp.

— Je disais ça comme ça, dit Dagur en haussant les épaules.

Cela ne le troublait en rien, il n'avait pas vraiment de respect pour le traître.

— Au moins il a réussi à repousser l'attaque des dragonniers.

— Par contre, si ça continue on va avoir un problème au sol. La percée qu'on avait réussi à faire a été repoussée et leurs troupes continuent leur progression dans nos rangs.

En effet, Dagur disait la vérité. Depuis leur promontoire, ils pouvaient voir les deux percées adversaire progresser rapidement, massacrant leurs hommes au passage et désorganisant l'armée. De leur point de vue, il y en avait une au centre et une autre vers leur flanc gauche. La première était menée par Stoïck, les rapports ne laissaient aucun doute et la seconde par un chef Nordien dont ils n'avaient pas encore réussi à définir l'identité.

Des commandants téméraire, courageux, hors-pair. Ils ne se battaient pas seulement pour les cendres de leurs ancêtres et leurs Dieux, ils le faisaient pour venger un homme dont ils avaient reconnu la valeur, pour un avenir perdu. Drago aurait aimé les avoir dans son camp. Avec eux, tout aurait été plus simple.

— Il va être temps de les stopper, annonça Drago.

— Vous allez les envoyer ?

Plutôt que de répondre, Drago se tourna vers un messager se trouvant non loin, attendant patiemment les ordres de son chef.

— Dites à Asmund de mener la moitié de mes Jomsvikings à l'encontre de l'ennemi. Qu'ils rétablissent la ligne et leur montrent ce que sont de véritables guerriers d'élite.

Le messager partit au trot vers l'arrière. Si jusqu'à présent Drago avait laissé toute latitude à son adversaire pour qu'il épuise ses forces, il était venu le temps pour lui de contre-attaquer sérieusement.

— La moitié seulement ? Pourquoi ne pas tout envoyer ? On pourrait en finir.

Drago lui jeta un regard de biais, se demandant si son lieutenant était sérieux. Pendant une fraction de seconde, il se demanda s'il ne cherchait pas à lui faire commettre une erreur.

— Je ne compte pas les sacrifier alors que la victoire est acquise de toute manière. Les envoyer tous causerait trop de pertes, ces hommes-là ne sont pas remplaçables.

Pour la première fois, une véritable expression de dégoût passa sur le visage de Dagur. Fugace, mais belle et bien réelle. Malgré sa réputation, il avait un grand respect pour tous ces soldats qui se battaient avec courage.

Le silence se fit entre les deux hommes, peu après la corne des Jomsvikings résonna, demandant le passage. Ceux qui tardaient trop étaient écartés sans ménagement, poussés violemment à terre.

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