Chapitre 22

2.3K 115 62
                                    

Raina avait compris sans difficulté la volonté des deux beurkiens de discuter en tête à tête. Après tout, cela faisait plusieurs semaines qu'Astrid avait quitté son île. Si la situation avait été inversée, si c'était elle qui était partie aussi longtemps, Harold ou Hagbard aurait voulu avoir une discussion privée avec elle. Elle ne se formalisa donc pas de la demande d'Astrid d'attendre à l'extérieure et elle espéra juste que tout se passerait bien. Détournant son regard de la grande salle qu'elle venait de quitter, elle porta son regard vers le village qui se trouvait en contrebas, et eut un sentiment familier.

Tout comme sur son île celui-ci fourmillait de vie, l'après-midi était déjà bien avancée, mais il restait encore quelques heures de jour et tous en profitaient pour vaquer à leurs occupations. Le village lui faisait penser au sien avant l'arrivée d'Harold, il devait faire à peu près la même taille à l'époque. Depuis il avait grossi, pas énormément, mais au moins assez pour être plus peuplé que celui qui se présentait sous ses yeux. Elle n'y avait jamais vraiment songé en ces termes, mais la nomination d'Harold en tant que Protecteur du Nord et le fait qu'il ait choisi l'île d'Hagbard comme foyer avaient eu bien plus de conséquences qu'on n'aurait pu le croire.

Comme tous les autres, elle s'était toujours focalisée sur les changements immédiats tels que l'amitié avec les dragons, l'unité des clans, ou encore les dragonniers, mais cela n'était que la partie visible. Aujourd'hui elle s'en rendait compte, des changements plus subtils avaient eu lieu. L'île d'Hagbard était devenue plus peuplée, plus puissante et plus prospère. En y songeant elle se demanda si cela avait été le cas de tous les clans ou s'y au contraire certains avaient subis un contrecoup.

C'était des questions auxquelles elle n'avait jamais vraiment songé et alors que son esprit commençait à se focaliser dessus, tout cela fut écarté par la pensée d'un danger plus immédiat. Un vent doux venait de jouer avec ses cheveux, menant son esprit vers de plus sombres pensées. Le temps s'était considérablement adouci dernièrement, et ce d'autant plus depuis qu'ils étaient arrivés dans la région de Beurk. Dans le nord, même si le temps était devenu lui aussi bien plus clément, il restait tout de même plus froid et Raina avait presque chaud. En temps normal, elle aurait apprécié de pouvoir profiter d'une telle brise, de ce climat, mais pas aujourd'hui.

Cette légère brise n'apportait pas que le beau temps avec elle, mais aussi la guerre et si l'instant d'avant elle avait observé le village avec optimisme comme une simple visiteuse, son esprit guerrier reprit le dessus. Ses yeux s'arrêtèrent tout d'abord sur le mur imposant qui ceignait le village, épousant tant bien que mal le relief accidenté de l'île. Ce dernier avait dû causer de nombreux soucis aux beurkiens, mais ils semblaient avoir réussi à les surmonter et à jouer d'ingéniosité. Ils s'étaient servis du terrain autant que possible, se contentant à certains endroits de ne construire que des tours de défense, profitant du dénivelé si abrupt qu'il aurait été impossible de grimper sans tout un équipement. En revanche d'autres portions du village profitaient pleinement de la protection du mur, notamment dans les zones donnant accès au reste de l'île. Il ne faisait que peu de doute sur le fait qu'il devait être possible de débarquer de l'autre côté de celle-ci, mais même si l'ennemi réussissait, avec une telle protection, le village resterait à l'abri.

L'île semblait prête à soutenir un siège et Raina en était légèrement impressionnée. De sa position elle ne pouvait guère en distinguer plus et elle regrettait de ne pouvoir aller chercher Narya pour effectuer un vol au-dessus de l'île. À coup sûr cela aurait déclenché un incident et ce n'était sûrement pas la meilleure idée à l'heure actuelle.

Le bruit caractéristique des grandes portes se fit entendre derrière elle et laissant de côté son observation du village elle se retourna. Elle se demanda alors ce qui avait bien pu se passer entre Stoïck et Astrid quand elle vit cette dernière sortir folle de rage. À n'en pas douter, la discussion avait dû mal se passer et ayant désormais compris quel était le tempérament d'Astrid, elle préféra aller immédiatement à sa rencontre avant qu'elle ne massacre quelqu'un.

Dragon NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant