Chapitre XVII : En route pour Fangorn

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En bout de file, Bilbo se retourna une dernière fois pour contempler Faudcombe, toujours aussi émerveillé par la splendeur de la Cité elfique. Le Hobbit se plut à observer chaque détail qui faisait de cet endroit un lieu qui se voulait être en dehors du temps. Il espérait se souvenir de Faudcombe telle qu'il la voyait aujourd'hui afin de conter sa beauté dans ses Mémoires. Les rayons du soleil naissant se reflétaient sur les immenses et puissantes cascades et éclairaient ainsi la Cité d'un bain de lumière doré. Si Erébor était un chef-d'œuvre, voire une prouesse architecturale que nul Homme saurait surpasser, Faudcombe était une perle perdue au milieu de la nature verdoyante et silencieuse qui, secrètement, avait uni maintes âmes.

- Monsieur Sacquet, je vous conseille de ne pas traîner.

Bilbo se retourna pour découvrir Thorïn, le regard sévère, lui faire signe d'avançer. Il était temps pour eux de reprendre la route car, si Elrond s'était révélé aussi utile qu'avait prédit Gandalf, le temps était compté.

Le Semi-Homme hocha la tête et reprit sa marche tandis que Gloïn l'invitait à passer devant lui, préférant garder un œil sur celui-ci.

Lorsqu'Ecu-de-Chêne se fut assuré que la Compagnie était au complet, il ferma la marche et, c'est dans un silence brisé par leurs bruits de pas que tous quittèrent Faudcombe.

Ainsi s'achevait la première étape de leur voyage, marquée par d'amères vérités.

* * *

Installés sur les montures offertes par le Seigneur Elrond, les compagnons suivaient Gandalf. Tandis qu'ils ne cessaient de discuter, Thorïn restait silencieux, le regard rivé droit devant lui et l'oreille tendue. Comme les siens, le Nain était soulagé d'avoir quitté Faudcombe quelques heures plus tôt et partageait la joie, certes assombrie par le danger, de commencer une nouvelle aventure auprès de ses plus fidèles alliés.

À ses côtés, Alyson partageait la joie de ses compagnons car malgré les années qui s'étaient écoulées, chacun d'eux montrait leur enthousiasme par leurs rires et leurs conversations animées. Plongée dans ses pensées, elle n'aperçut que trop tard les regards curieux que lui lançait Ecu-de-Chêne.

- Vous semblez bien soucieuse depuis notre départ, lui fit-il remarquer.

- Je m'inquiète juste pour le voyage, répondit Alyson. Mais je ne doute pas de notre réussite.

La mutante offrit au Nain un sourire qui se voulait sincère. Ce dernier hocha la tête et, alors qu'il reposait son regard droit devant lui, une voix s'éleva non loin derrière la Compagnie. Curieux, tous s'arrêtèrent et se retournèrent sur leur scelle avant d'apercevoir une silhouette courir vers eux. Des brouhahas s'élevèrent parmi les Nains car, s'il leur était impossible de distinguer l'homme qui leur faisait de grands signes pour les supplier de l'attendre, sa voix ne faisait aucun doute sur son identité.

Thorïn écarquilla les yeux.

- On avance ! Bougonna Ecu-de-Chêne tandis que Gaultier, à pied, s'égosillait à les supplier de s'arrêter.

Face à ce grotesque spectacle, les Nains ricanèrent sous le regard réprobateur d'Alyson.

- Thorïn..., fit-elle.

Ecu-de-Chêne lui lança un regard de biais et tourna la tête de droite à gauche, lui faisant comprendre qu'il ne céderait pas tandis que le poète ne cessait de faire de grands gestes.

De son côté, Bilbo eut une étrange impression de déjà-vu. Il crut se voir à la place de Gaultier et se souvint de son arrivée précipitée dans la Compagnie, le long contrat dans la main tandis qu'il courrait vers les Nains à en perdre haleine. Mais contrairement au Hobbit, le barde n'avait, en dehors de son sac, que son luth qui ne cessait de frapper son dos d'un rythme régulier à chacun de ses pas.

- Monsieur Sacquet ! Avancez ! S'impatienta Thorïn.

Face à l'entêtement d'Ecu-de-Chêne, la mutante soupira et arrêta son poney sous le regard réprobateur du grand Nain, vite imité par la Compagnie.

- Alyson ! S'énerva-t-il en arrêtant à son tour son poney.

La mutante l'ignora et se contenta de détacher sa gourde pleine de sa ceinture.

- Attendez !! Continuait à hurler Gaultier.

Thorïn grogna, frustré par cette perte de temps et de voir Alyson lui désobéir ainsi.

À bout de forces, le poète s'affala sur l'herbe tendre et mouillée à quelques mètres d'eux. De nouveau sur ses jambes flageolantes, le barde tituba vers la Compagnie, le visage trempé de sueur et les vêtements humides. À bout de souffle, il haletait comme un chien exténué par une trop longue chasse en forêt.

Arrivé à leur hauteur, Gaultier tenta de les remercier mais seuls des râles sortirent de sa bouche. Les mains sur ses genoux pliés, il tentait de reprendre son souffle tandis que les Nains, agglutinés autour de lui, se jetaient des regards moqueurs.

- Que faites-vous ici ? Demanda Thorïn, une once d'impatience dans la voix.

Le grand Nain se fraya un chemin entre les siens et posa un regard hautain sur le poète au visage rougi par l'effort. Si ce dernier agonisait, Ecu-de-Chêne n'en avait cure. Prise de pitié, Alyson tendit sa gourde au poète, qui, d'abord hésitant, s'en empara avant de vider la moitié du récipient et de remercier la mutante.

- Que faites-vous ici ? Répéta Thorïn, le regard noir.

- Vous m'avez oublié à Faudcombe, balbutia Gaultier. Heureusement que je vous ai rattrapés.

- Oublié ? Fit Gloïn en haussant les sourcils.

- Vous n'avez rien à faire parmi nous, lâcha Ecu-de-Chêne

- Détrompez-vous ! Je peux vous être utile. Je sais faire maintes choses !

- Ah oui ? Se moqua Dwalïn. Comme quoi ? Provoquer des catastrophes ?

Les Nains ricanèrent de nouveau sous la mine renfrognée du poète.

- Ça ne coûte rien d'essayer de l'emmener avec nous, objecta le Hobbit. Je suis sûr qu'il peut s'avérer utile d'une manière ou d'une autre.

- Gaultier s'est donné du mal pour nous retrouver, renchérit Alyson.

Sur son poney, Ecu-de-Chêne jaugea le poète et arqua un sourcil, loin d'être convaincu par l'idée d'emmener ce personnage excentrique avec eux. Nombre de catastrophes s'étaient produites depuis qu'ils avaient eu le malheur de croiser son chemin.

- Cela ferait une personne de plus à protéger, bougonna Dwalïn.

- Mais des bras en plus pour nous aider, contredit Bilbo.

- Notre Hobbit n'a pas tout à fait tort Thorïn, intervint Gandalf. Même s'il semble très peu dégourdi, il nous serait sûrement utile d'une façon ou d'une autre. Et puis, il me fait penser à un ami en commun, ricana-t-il en jetant un coup d'œil amusé vers le Semi-Homme.

Le grand Nain soupira face à l'insistance soudaine du magicien.

- Pourquoi nous encombrerions-nous de vous poète ? Répliqua Thorïn d'un ton dédaigneux.

Gaultier observa la Compagnie face à lui et déglutit tandis que les mots refusaient de sortir de sa bouche.

- Et bien... Quelqu'un devra chanter vos exploits, répondit-il.

- Vos chansons sont de piètre qualité, fit Dori.

- Mais mon voyage à vos côtés m'inspirera ! Je deviendrai le poète le plus célèbre de la Terre du Milieu ! Mon nom sera sur toutes les lèvres ! S'exclama le barde, les yeux pétillants.

Ecu-de-Chêne plissa les yeux et se redressa sur sa scelle.

- Très bien. Mais je ne veux entendre aucune chanson, ni aucune note de musique. Vous resterez à bonne distance d'Alyson. Dans le cas contraire, vous pourrez pleurer une de vos mains. Suis-je clair ?

Gaultier déglutit de nouveau et après avoir jeté un coup d'œil vers la mutante qui lui fit les gros yeux, celui-ci hocha la tête.

- Une dernière chose, fit Thorïn. Nous ne serons pas responsables de votre sort. Sur ce, bienvenu parmi nous.  

Le Hobbit : Sombres présages [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant