Chapitre 1

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« Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. Demain comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »

Elias sursauta et frotta ses yeux qui se perdirent dans le vague. Le général l'avait absorbé pendant de longues minutes. Il éteignit le poste de radio puis passa une main dans ses cheveux bruns. Cet appel l'interpelait au plus profond de son esprit sans qu'il ne comprenne vraiment pourquoi.

Est-ce que je dois m'engager dans la Résistance ? Mais, je ne le connais pas ce Charles de Gaulle... De plus, il vient d'arriver à Londres ! Devrais-je le croire ?

Elias avait gagné le Royaume-Uni plusieurs années auparavant et se rappelait de tout ce qu'il avait enduré pour parvenir dans l'humble soupente qu'il balaya du regard. Un vieux sommier de fer, une chaise, une table bancale et une petite étagère s'entassaient sous le toit. Les odeurs du pain que l'on faisait cuire surpassaient celles rances qui flottaient dans le grenier.

Malgré tout, il sourit en observant ses maigres biens. Il ne serait rien aujourd'hui sans la famille du boulanger qui l'avait recueilli. Sans sa mère, il n'existerait pas non plus. Elle avait toujours été forte, même dans les instants difficiles. À son initiative, ils avaient déménagé à Londres. Sans elle, il demeurerait encore à Reims, ville occupée par les nazis désormais... Quelques mois avant, une telle chose lui paraissait impossible. Comment la France avait-elle pu abandonner aussi rapidement ?

L'évocation de l'Occupation le fit grimacer. Il ne savait pas quelle décision prendre. Pourtant, lui seul pouvait choisir. Au début de l'année, il aurait été le premier à rejoindre le général. Sans hésiter une seule seconde. L'envie de faire ses preuves grandissait chaque jour dans son esprit, une volonté implacable de mettre en avant sa force.

Elias soupira une nouvelle fois. Affalé sur son matelas, il ne réussissait pas à imaginer de solution. Bien des choses avaient changé depuis son arrivée à Londres. La France, qu'il avait toujours considérée comme imbattable, s'était fait envahir en quelques semaines. Impossible à accepter. Il secoua la tête et marmonna quelques mots. Il ruminait sans cesse les mêmes pensées. À chaque fois, elles surgissaient dans son esprit sans prévenir.

C'étaient les dernières paroles de sa mère qui lui revenaient en mémoire. Quelques mots chuchotés à l'oreille tandis qu'elle était sur son lit de mort. Il se rappelait de son visage, des rides qui barraient sa peau terne. Elle avait perdu toute sa joie de vivre avec cette maladie qui ne lui avait pas laissé de repos.

Éprouvant un profond respect pour sa mère, Elias ne voulait pas la trahir. Depuis la mort de son père, elle s'était occupée seule de lui. Elle l'avait chéri et aimé pour deux. Pourtant, la phrase susurrée semblait à présent impossible à respecter.

Elle l'avait supplié d'éviter toute confrontation avec les Allemands, tout rapport avec eux. Il se rappelait de cette recommandation et hésitait désormais. Devait-il respecter les dernières paroles de sa mère ? Les derniers mots d'un défunt n'étaient-ils pas considérés comme sacrés ?

À travers la petite fenêtre de son logis, les ultimes rayons du soleil se posèrent sur Elias qui jeta un coup d'œil par l'ouverture. Le spectacle qu'il vit le charma : une belle lumière éclairait les toits de Londres, faisant briller l'ardoise. Au loin, il apercevait même le palais royal et le Big Ben brillant de mille feux.

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