Chapitre 4

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Le cœur d'Elias rata un battement et il hésita à s'enfuir à toutes jambes. Il se rassit, le corps tremblant à cause de la voix grave de son père adoptif.

Mr. Sanders congédia sa fille qui s'éloigna, boudeuse. Il s'assit ensuite, le visage fermé. L'air passait avec difficulté dans les poumons d'Elias.

Que va-t-il me dire ? S'il m'ordonne de changer d'avenir, je n'accepte pas. À la limite, je me ferais réprimander pour ma décision, mais il ne me dénoncera pas à qui que ce soit. Non, non... Il n'est pas comme ça... Je m'inquiète pour rien, j'ai fait le bon choix.

Tout en ruminant, il observait d'un œil hagard son père adoptif. Ce dernier tournait en tous sens un paquet de carte. Il semblait attendre quelque chose.

— Tu ne dois pas dire les choses à tort et à travers, éructa-t-il enfin d'un ton saccadé. Les murs ont des oreilles, tout le monde aurait pu t'entendre !

— Mais...

— Ne dis rien, laisse-moi continuer pour une fois ! Tu t'es référé à nous, c'est une chose, mais imagine si tu étais tombé sur des personnes du camp des nazis ? Des gens à qui la Résistance ne plaît guère ? Je ne sais pas si on t'aurait revu un jour ! Mais, qu'est-ce qui t'a pris, voyons ?

La voix lourde de reproches, John secouait la tête, les poings serrés autour des cartes déformées. Sans la présence des voisins, il n'aurait sans doute pas hésité à crier.

Malgré tout cela, Elias sentit que son père était de son côté. Un éclair de fierté avait jailli de ses yeux au milieu de sa fureur.

Mais pourquoi est-il autant en colère ? Tout cela ne nécessite pas un tel accès.

Certes, il se rendait compte de son imprudence mais cela n'était pas extravagant. Il ne méritait pas toutes ces critiques. Cependant, il jugea préférable de ne pas discuter pour éviter de s'attirer les foudres de John.

— Je le savais ! reprit ce dernier avec un petit sourire triomphant. Je l'avais dit à Ellen... Ton tempérament est si prévisible... On se doutait que tu allais nous déclarer cela d'un jour à l'autre ! En revanche, tu ne manques pas de culot pour l'avoir fait maintenant ! Tu as sans doute beaucoup réfléchi grâce au général de Gaulle !

Elias fronça les sourcils et hoqueta. Comment avait-il pu changer d'attitude aussi rapidement ?

— Je vais t'expliquer quelques petites choses, mais avant tout cela, tu dois me promettre de...

— Tout ce que tu veux ! répliqua Elias en se levant d'un bond.

— ...te taire. Pendant que je parle et plus tard. Tu ne répèteras rien, sinon, tu mettras la vie de plusieurs personnes en danger. Ce qui se dit ici n'y sort pas. Pas un mot à Louis ou à Clara !

Elias se renfrogna et marmonna un oui.

— Très bien ! Comme je te le disais, je ne suis pas surpris que tu rejoignes la Résistance. Je ne suis pas non plus en colère. Enfin... Cela dépend. Non, je suis même très heureux ! Tu vas venir grossir nos rangs !

Devant cette déclaration, Elias resta interloqué quelques instants. John venait-il de laisser entendre qu'il avait intégré un réseau de résistance ? Il cligna plusieurs fois des yeux avant de commencer à marcher dans le salon.

— Oui, oui. Tu as bien compris, ajouta son père adoptif en hochant la tête. Il y a quelques semaines de cela, je suis entré dans la Résistance. Je vais parler de toi au dirigeant de mon réseau. Il se pourrait qu'il te refuse, mais un peu de sang neuf ne fera pas de mal... Tu auras un entretien avec lui et je me porterai garant de ta loyauté, alors pas d'entourloupe ! Est-ce compris pour toi ? C'est sans doute la première fois que je te demande quelque chose d'aussi sérieux !

RésistantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant