Elias descendait, marche après marche. L'escalier grinçait, les murs semblaient l'oppresser. L'heure était venue de faire le rapport. Sans cesse repousser ne servait à rien et les deux résistants avaient convenu de l'écrire le samedi après-midi.
Une corvée à laquelle je ne pourrai pas échapper...
Ils s'assirent chacun à un bout de table et ils rédigèrent un semblant de texte. Coucher sur papier son arrivée à Metz manqua de raviver les pleurs d'Elias mais il se maîtrisa. Si Eugène apercevait sa faiblesse, il en ferait des gorges chaudes.
Il noircit une page entière, sa plume glissait sur la feuille, raturant çà et là, racontant la mort de son ami.
Sans parler, les deux compagnons mirent en commun leur rapport et en rédigèrent un au propre qui serait apte à être transmis aux Anglais. Le processus leur avait été expliqué maintes fois. Ils devaient gagner le réseau de résistants et communiquer le message qui serait tapé à la radio. C'était une communication unique qui frustrait beaucoup Elias.
Après avoir salué Elise somnolant dans un fauteuil à bascule, il regagna sa chambre, les mains dans les poches. Il s'ébouriffa les cheveux une fois attablé à son bureau, exténué. Dans sa tête, il tenta d'élaborer un plan pour approcher l'ennemi. Lors des jeux tactiques durant les entraînements, il réussissait rarement et avait toujours compté sur Louis pour être le cerveau du duo. Elias serait les bras.
Mais pourquoi t'as fait ça, Louis ? Je ne peux pas réussir sans toi !
Il devait se débrouiller seul à présent ou bien avec Eugène mais cette idée le révulsait.
La messe approchait à grands pas. Avec cette célébration, les résistants intègreraient Metz et deviendraient libres également. Le scénario adapté à la mort de Louis était établi, tout était réglé.
Comme d'ordinaire, tout était prêt matériellement, mais les esprits n'étaient pas au rendez-vous. Eux avaient encore besoin de temps malgré les trois jours confinés.
***
Les cloches sonnaient en chœur appelant tous les fidèles à se réunir. En ce dimanche, il y aurait deux croyants de plus, des Londoniens dont personne ne connaissait la véritable identité. Les résistants se préparaient à sortir de leur maison, le soleil brillait haut dans le ciel et Elias avait hâte de cette première confrontation avec la ville. Quelles étaient les différences avec Londres ? C'était sa principale question, elle le hantait depuis plusieurs jours et il allait enfin être fixé.
Même un dimanche, une quantité impressionnante de gens faisait la queue devant les magasins. Derrière les comptoirs, les vendeurs s'affairaient, le visage en sueur, la peau rouge, les traits tirés. La fatigue se sentait sur tous les visages, tout comme la mort, quasi omniprésente. Elle n'était pas exprimée, ni prononcée, seulement on la voyait partout. Le trio progressait dans la rue, les passants saluaient Elise, jetaient un œil étonné sur les deux jeunes hommes puis continuaient leur route.
Le gong des cloches s'éteignit enfin et les cris de la rue marchande prirent le dessus. Partout, ce n'était qu'agitation, comme à Londres. C'était une plus petite ville mais il jaillissait une grande effervescence.
Des soldats allemands arpentaient les trottoirs, l'air sévère, dans leur tenue marron. Les habitants s'écartaient, respectueux ou terrifiés. Qu'importe, les SS avaient de l'effet et ils savaient maintenir l'ordre. En tant de guerre, toutes les villes se ressemblaient, seuls les habitants différaient.
Elias découvrit que ces derniers étaient plus maigres à Metz. Les rues étaient pleines de militaires, le drapeau allemand flottait sur la mairie, la croix gammée était hissée sur tous les monuments.

VOUS LISEZ
Résistant
Ficción histórica18 juin 1940. Pendant des semaines, la voix du général de Gaulle résonne dans le cœur d'Elias. Un soir de septembre, prenant son courage à deux mains, il intègre la Résistance mais très vite, distribuer quelques tracts dans les rues de Londres ne lu...