Chapitre 18

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Les néons vibraient au plafond, le silence pesait sur l'atmosphère déjà lourde. Les trois jeunes hommes étaient adossés contre le mur, assis à même le sol, la bouche fermée, l'esprit ailleurs.

Les paupières d'Elias s'abaissèrent pour empêcher des larmes inutiles de couler. Son ventre se nouait et lui faisait mal depuis plusieurs heures, les battements de son cœur changeaient de rythme à chaque instant.

Le matin même, il avait dit au revoir à sa famille. Les yeux rouges, la tête lourde, il avait serré une dernière fois Clara dans ses bras. Ses longs cheveux noirs avaient balayé son dos et il s'était plongé dans l'infini de ses yeux verts. Les mains du boulanger blanchies par la farine avaient laissé des marques sur ses vêtements mais Elias s'en fichait ; ce qu'il voulait, c'était rester avec les Sanders, cette famille qui l'avait si bien accueilli.

Son amie semblait l'avoir pardonné. Elias avait craint une réaction bien pire. Son esprit s'était réchauffé en réalisant qu'ils se quittaient en bons termes.

En quittant la maison, il s'était retourné pour leur faire un dernier au revoir. Sa seule famille était en pleurs, tous les traits de leur visage se crispaient. Le père et la fille se retrouvaient désormais seuls.

Elias s'en était ensuite allé, sans se détourner, se concentrant sur son but pour ne pas flancher. Depuis, il se demandait à chaque seconde pourquoi il avait fait ce choix et pas un autre, pourquoi il avait décidé de devenir résistant, pourquoi il avait choisi de partir de Londres. Il n'en avait aucune idée, mais il ressentait un grand besoin au fond de lui, une source intarissable d'aider sa patrie, de faire ses preuves.

En arrivant à la salle d'entraînement, il avait paniqué. Est-ce que Louis viendrait ? La réponse était tombée dès qu'il avait aperçu son ami, lequel lui avait adressé un petit sourire. Après un rire, c'était au tour d'un regard de les réconcilier.

Ils s'étaient assis en compagnie d'Eugène, sans prononcer un mot. Puis, ils étaient partis vers la base d'aviation. Le dernier lieu où ils mettraient les pieds au Royaume-Uni.

Depuis plus d'une heure, les espions demeuraient immobiles et Elias sentait que pour ne pas succomber à la tristesse, il devait occuper son esprit. Il ramassa donc le jeu de cartes posé à terre et leur proposa une partie. La voix de Rostre, d'abord dédaigneuse, se fit plus encline et il accepta.

Je vais devoir l'appeler Eugène... Quel nom ringard !

Les trois hommes, trop heureux de se changer les idées, débutèrent leur belote. Ils se faisaient face et rentrèrent totalement dans leur jeu, faisant abstraction de l'atmosphère anxiogène qui les entourait.

Une heure plus tard, le calme fut troublé par des bruits de bottes dans le couloir. Un résistant s'arrêta devant le groupe en faisant claquer ses chaussures.

— Le décollage prendra place dans dix minutes, tenez-vous prêts ! déclara-t-il, le visage fermé.

Les espions se regardèrent pendant quelques secondes, tous partageaient le même sentiment d'exaltation et d'appréhension. Ils se séparèrent et retournèrent à leurs pensées noires, délaissant les cartes et la partie qui ne se finirait jamais.

Elias tenta d'apaiser la peur qui montait en lui, l'angoisse qui creusait un chemin dans son corps et les larmes qui se rapprochaient dangereusement de ses yeux. Il devait mettre fin à ce supplice. Il voulait partir loin de l'aéroport, qu'il soit en France ou à Londres, cela lui était égal, mais il ne souhaitait pas rester dans cette sorte d'entre-deux.

Les murs arrondis paraissaient l'oppresser, le plafond bas l'écrasait et les lampes grésillant paraissaient l'enflammer. Elias serra les dents, garda la tête baissée, la gorge nouée. Il se releva seulement quand l'homme revint les chercher.

RésistantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant