Chapitre 13

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La pièce semblait ne pas avoir été aérée depuis des lustres. Les murs au papier peint décrépi renvoyaient une odeur de renfermé qui provoqua un haut-le-cœur à Elias. L'atmosphère n'était pas très chaleureuse. Il était arrivé dans les premiers. Le deuxième en vérité. Un autre résistant avec qui il n'avait jamais discuté lisait le journal.

Ailes s'assit et se saisit lui aussi du Times. Même si les apprentis avaient été autorisés à écouter la radio pendant dix minutes, il avait raté des événements durant son stage.

Les gros titres disaient que l'URSS avait été attaquée par l'Allemagne quelques jours plus tôt. L'armée d'Hitler prenait le dessus sur toujours plus d'adversaires mais Elias lisait distraitement. Il ne ressentit rien à cette annonce. Sur le moment, cela ne lui fit ni chaud ni froid, trop occupé à ressasser son dernier entraînement.

Il était fier de ce qu'il avait accompli : il avait réussi sa mission en un temps record ! Après s'être échappé de la base, il avait rejoint le point de rendez-vous pour être rapatrié à Londres. Il avait alors reçu quelques soins. Une infirmière avait retiré les graviers de son coude et avait pansé son bras meurtri par la balle. Ses douleurs se faisaient moindres car plus de deux heures étaient passées depuis son arrivée dans la capitale.

Elias avait erré dans les rues qu'il avait quittées depuis si longtemps. Il avait marché devant sa maison, sans trouver le courage d'y entrer. Les Sanders ne l'avaient pas rappelé durant son stage, Elias les avait laissés au pire moment. La gorge nouée, il s'était ensuite dirigé vers le siège du SOE pour avoir un compte-rendu de Frank Nelson. Il serait forcément positif, puisqu'il était parvenu à son devoir. Cependant, il ne pouvait s'empêcher de tressauter et de craindre des remarques négatives.

Les minutes passaient, le battement régulier de l'horloge résonnait dans la salle. Les deux espions n'échangeaient pas un mot, plongés dans leurs pensées. C'était le calme plat.

Peut-être le calme avant la tempête...

Enfin, la porte s'ouvrit et Elias se leva un grand sourire aux lèvres, prêt à rencontrer le commandent. Une haute silhouette pénétra avec grâce dans la salle, le toisa, puis se dirigea vers une chaise, s'asseyant près de la fenêtre, ignorant Elias ostensiblement.

Ce dernier se rassit, gêné de sa méprise. Il serra les poings, il ne devait pas se laisser faire. Rostre n'aurait pas pu plus mal tomber. Ainsi, il avait lui aussi réussi sa mission...

— Quel dommage ! murmura-t-il en espérant que son ennemi l'entende.

— Je pense exactement la même chose que toi, Ailes ! répliqua celui-ci d'une voix forte. J'espérais bien ne plus jamais revoir ta face de rat. Malheureusement, on va devoir encore se côtoyer...

Elias dut se contrôler pour ne pas se jeter sur celui qui, dès le premier jour, l'avait exaspéré. Il se détourna pour éviter toute pulsion meurtrière. Ce type l'énervait et il était bien content d'être arrivé avant lui. Il était bien meilleur que cet apprenti qui semblait parfait.

Après plus d'une heure, Ailes n'avait toujours pas été appelé. Ses mains tremblaient de plus en plus sur ses genoux.

— Pourquoi ça prend autant de temps, bordel ! marmonna-t-il.

Une dizaine de minutes plus tard, la porte s'ouvrit de nouveau.

Elias se leva en voyant la tête de Mr. Nelson apparaître. Son visage était soucieux, ses sourcils froncés. Sans un mot, il fit signe à Rostre de se lever et de le rejoindre. Ce dernier se pavana devant Elias, la tête haute.

RésistantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant