Le temps s'écoulait et Louis n'était toujours pas rentré. Elias se morfondait dans sa petite chambrée. Il ne restait plus que douze heures pour que son ami achève sa mission. Un tiers des résistants était rentré triomphant, un autre tiers ne deviendrait jamais espion.
Il ébouriffa ses cheveux bruns, le cœur serré. Il restait une dernière partie d'apprentis pour qui l'avenir demeurait incertain.
Je ne pourrais pas partir sans lui... Il faut qu'il réussisse, il a intérêt !
Après son coup d'éclat, Ailes était revenu Baker Street, et avait observé avec plaisir que la nouvelle de son humiliation ne s'étaient pas répandues. On ne le traitait pas comme un idiot. Il avait discuté avec quelques camarades dans une bonne ambiance.
Après avoir faibli durant son entraînement de saut, ses amis l'avaient évité tant bien que mal. Malgré cela, Elias les côtoyait sans pour autant les considérer comme ses meilleurs compagnons.
Ils m'ont abandonné parce que je n'étais pas fort, Louis m'a rejoint alors que j'étais faible...
Seul Rostre était insupportable parmi les résistants. Elias ne pouvait pas le supporter. Même s'il était lui aussi d'origine française, il espérait de tout cœur ne jamais partir en mission à ses côtés.
La plupart des résistants étaient épuisés par leur épreuve, mais heureux d'être parvenus à intégrer le SOE.
En attendant le retour de Louis, Ailes avait eu un autre entretien avec le chef du SOE, lequel n'était pas revenu sur leur dispute pour son plus grand bonheur. Cependant, la suite ne lui avait pas plu...
— Assieds-toi là, avait déclaré Frank d'une voix brusque. Qu'est-ce que tu comprends dans le mot "responsabilité'' ?
Cette question directe avait donné matière à réfléchir pour Elias. Voyant qu'il ne répondait pas, Mr. Nelson avait repris :
— Il est passé où ton cerveau, Ailes ? Qu'est-ce que tu en as fait ?
Il aurait voulu s'insurger, mais il avait jugé préférable de rester stoïque. Il n'avait pas répliqué et avait simplement quitté la salle, les poings fermés, les yeux plissés.
Après être resté des heures sur son lit, il décida enfin de se lever pour aller à Baker Street. Peut-être y avait-il du nouveau ?
Il arpenta les rues pour gagner les bâtiments du SOE puis entra dans ces derniers et marcha en rasant les murs. Il parvint jusqu'à la salle commune où il s'assit avec un soupir.
Maintenant que les échanges de la veille avec le commandant lui étaient revenus en mémoire, il voulait s'emporter, mais comprenait qu'il n'avait aucun pouvoir. Elias était obligé d'obéir, silencieusement, bien que ça lui en coûtait.
Rostre passa à côté de lui, l'air moqueur et un grand sourire aux lèvres. Lui aussi avait eu un entretien avec Frank, mais il semblait s'être mieux passé.
En levant les yeux au ciel, Elias sursauta lorsqu'il entendit un crissement de pneu. Une voiture venait de s'arrêter devant le quartier général. À travers les rideaux ternes, il regarda la petite cour, distrait. Un homme s'avançait vers les bâtiments du SOE. Sa démarche boiteuse, sa taille d'enfant et son allure eurent l'effet d'un baume sur le cœur du résistant.
Il poussa un cri de joie, si bien que tout le monde le regarda, fronçant les sourcils. Il s'élança vers l'extérieur et se précipita vers son ami. Il le serra dans ses bras, ravi de le retrouver puis s'écarta pour l'observer, sans un mot.
Son visage autrefois enfantin était désormais celui d'un homme en devenir. Sa mâchoire s'était élargie, sa peau était parsemée de petites cicatrices récoltées au cours de l'entraînement, ainsi que des traces de boue et de terre. Ses manches, remontées jusqu'aux coudes, laissaient apparaître d'autres blessures ainsi que de la poussière.
— Tu as passé tes journées dans un marécage ? demanda Elias, narquois.
— Tu y es presque, rougit Louis. Mais toi non plus, tu ne sens pas la rose !
Malgré tous ses efforts, Ailes n'avait pas réussi à se débarrasser entièrement de la puanteur des poubelles dans lesquelles il avait dormi. Il sourit, puis entraîna Louis vers la salle commune, mais Frank les arrêta.
— Ailes, tu peux y aller seul, je vais m'entretenir avec Evraikos.
— Vous m'avez fait patienter des heures avant de me prendre, pourquoi n'en est-il pas de même pour Evraikos ? ronchonna Elias, mécontent.
— Tu nous as donné du fil à retordre, c'est pour ça. Maintenant, dehors ! répliqua le commandant du SOE.
Louis adressa un regard penaud, ne comprenant pas l'animosité qui pointait dans la voix des deux hommes. Elias ne lui expliqua rien, se contentant de se détourner, les poings serrés, comme à chaque fin de réunion avec Mr. Nelson. Cet homme avait le don de le mettre en rogne et, comme toujours, il était à deux doigts de sortir de ses gonds.
Il s'éloigna pour gagner la salle commune et se plongea dans un journal le temps que Louis finisse sa réunion. Les nouvelles n'étaient pas très bonnes venant d'Europe. L'invasion de l'URSS poursuivait son cours tandis que l'armée de Staline faisait face à celle d'Hitler.
Du côté du Royaume-Uni, le Blitz était enfin terminé. Les incessants bombardements s'étaient interrompus, les bâtiments détruits commençaient à être reconstruits. Londres se portait mieux et ses habitants affichaient leur éternel optimiste. « La Résistance prend de l'ampleur ! », tel était le titre d'un article et Elias se sentit fier d'appartenir à quelque chose de vaste, à une grande organisation.
Une porte s'ouvrit et Louis arriva un grand sourire aux lèvres, sans qu'il ne puisse terminer sa lecture. À part sa physionomie, son ami n'avait pas beaucoup changé. Sa démarche guindée se manifestait à chaque instant, les fossettes au coin de ses yeux éclairaient toujours son visage. Malgré tout, sa timidité semblait s'être quelque peu envolée avec son stage.
Elias retrouvait son ami après ce qui lui semblait une éternité pourtant, seulement quelques jours étaient passés depuis leur séparation. Ce stage les avait fait mûrir et comprendre quelle voie ils devaient emprunter.
— Alors, raconte-moi tout ! s'exclama Louis. Qu'est-ce qu'il s'est passé durant ton stage pour que Mr. Nelson soit si fâché ?
— Rien, rien, répondit Elias, honteux.
Il ne pouvait pas décemment expliquer à quel point il avait été faible.
— Tu me caches quelque chose Eli... Pardon, Ailes.
Il vérifia que personne ne les avait entendus, puis les deux amis se regardèrent et éclatèrent de rire. Devoir s'appeler par un nom de code leur semblait ridicule, d'autant plus qu'ils se connaissaient hors de la Résistance. Néanmoins, pas question de braver les règles au risque d'encourir une sévère sanction.
— Non, je t'assure que non ! répliqua Elias, entre deux gloussements.
Les deux amis prirent leurs affaires et, saluant les quelques résistants présents dans la pièce, quittèrent le quartier général. Ils ne discutèrent pas des différends qu'ils avaient rencontrés à l'entraînement. Sur le moment, seuls les instants de rire comptaient. Elias était si content de retrouver Louis.
Les futurs espions s'assirent sur un banc dans un parc de la capitale et contemplèrent le ciel parsemé de nuages.
On va partir ensemble. Je le sais. On s'est croisé, et notre amitié ne se détruira jamais. On va s'envoler vers la France, tous les deux.
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Hello 🥰
J'espère que vous alliez bien <3 Nouveau chapitre aujourd'hui !
Elias part bientôt en France hihi !
Vous êtes prêt ?
Bonne fin de semaine 😍
Plume
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Résistant
Historical Fiction18 juin 1940. Pendant des semaines, la voix du général de Gaulle résonne dans le cœur d'Elias. Un soir de septembre, prenant son courage à deux mains, il intègre la Résistance mais très vite, distribuer quelques tracts dans les rues de Londres ne lu...