Chapitre 2

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Un brouhaha immense éclata dans la rue. Elias sursauta, ouvrit les yeux et s'approcha de la fenêtre. C'était encore et toujours les deux femmes de l'immeuble d'en face qui se disputaient pour tout et n'importe quoi. Des passants tentaient en vain de les séparer afin qu'elles ne causent pas de dégâts.

Elias regagna son lit en soupirant. Le parquet glacé grinça au contact de ses pieds nus, lesquels frissonnèrent. Il essaya de se rendormir pour profiter des quelques minutes de sommeil qui lui restaient avant de partir travailler. Toutefois, le matelas s'affaissa sous son poids.

— Aïe ! hurla Elias après qu'un « crac » avait retenti.

Il remarqua sa position et grogna de plus belle. En une fraction de seconde, son sommier s'était tordu et des tiges de métal partaient désormais de tous les côtés. Son dos était bloqué dans le lit. Il fulmina et tenta de changer de posture, sans succès... L'échelle couina, quelqu'un approchait. La petite trappe menant à son logis se souleva et une tête ensommeillée apparut.

— Que se passe-t-il ? demanda la jeune fille d'une voix endormie. J'ai entendu du bruit...

Elle entra dans la pièce, puis, se rendant compte de la situation, resta quelques secondes interloquée.

— Clara ! s'exclama Elias avec un faux sourire. Tu fais bien ! Viens m'aider !

Son amie éclata de rire. La scène qui se présentait à elle était ridicule. Les rayons du soleil levant éclairaient le visage rouge d'Elias, mettant en valeur ses difficultés.

— Mon pauvre, je ne sais pas ce que tu as fait, mais te voilà mal parti.

— Arrête de rire et viens plutôt m'enlever de là, bougonna-t-il.

Le rire cristallin de Clara continuait de résonner tandis qu'il serra les dents. Sa fierté venait d'en prendre un sacré coup. Il tira d'un coup sec sur son bras mais sa manche restait coincée entre deux lattes. La jeune fille s'approcha et l'aida à s'extirper de son pétrin.

Elias contempla le désastre. Son sommier était brisé et des ressorts pendaient à l'air libre. Le matelas qui était éventré, percé par une tige de métal se déplia d'un coup. Des plumes s'échappèrent et volèrent dans les airs.

— Je crois que mon lit est mort, déclara Elias d'une voix funèbre.

— Moi, je crois bien que tu es trop gros, tu devrais faire un régime ! répliqua Clara en riant.

Il ronchonna, la poussa et descendit les barreaux. Son égo était quelque peu amoché. Il gagna la cuisine où il récupéra une tranche de pain rassis qu'une fine couche de tomate verte recouvrait. Devant ce petit déjeuner digne d'un roi, Elias grimaça, puis avala une bouchée, le ventre noué. Il se tourna vers Clara, qui l'avait suivi en souriant, pour l'inviter à s'assoir. Leurs petites querelles remontaient à bien longtemps. Dès son arrivée, ils s'étaient moqués l'un de l'autre sans aucune méchanceté. Comme des frères et sœurs.

La chaise d'Elias racla le sol. Celui-ci remonta dans le grenier pour enfiler son habituelle salopette brune. Il salua John et Ellen qui s'affairaient déjà dans la cuisine puis quitta la demeure et se plongea dans l'air doux de Londres.

Les rues étaient à peine éclairées, les lampadaires bien trop chers à utiliser. Des nuages commençaient à s'accumuler autour du soleil. Les mendiants, sur le bord de la route, arboraient un sourire triste. Ils interpellaient les habitants de la capitale sans arrêt. Elias se sentait proche d'eux grâce à son séjour sur les trottoirs, plusieurs années auparavant. D'autres personnes s'attroupaient devant les vitrines des magasins et bavardaient entre eux, sans se soucier du climat anxiogène.

RésistantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant