Elias chuta sur le pavé. L'homme qui l'avait bousculé ne se retourna pas et continua à marcher, tel un roi. Il eut beau s'insurger contre le monde entier, personne ne venait l'aider. Malgré sa chute et sa lèvre ensanglantée, il lui aurait bien couru après, mais il était encore trop impressionné par sa rencontre avec Frido.
Ses yeux papillonnaient dans tous les sens, tandis que ses mains fébriles tentèrent de se raccrocher à quelque chose, cependant, elles ne rencontrèrent que le gravier. Il se releva péniblement puis poursuivit la route vers sa maison, le dos courbé comme un vieillard.
Elias ne comprenait pas pourquoi il ressentait un tel état d'abattement. Il aurait dû être joyeux de devenir résistant, mais non, au lieu de cela, il se sentait exténué. La pression qui s'était accumulée depuis la mort d'Ellen se faisait à présent ressentir.
En parcourant les rues de Londres, Elias observait la population. Malgré l'optimisme qui se lisait sur le visage des habitants de la capitale, la mélancolie prenait chaque jour un peu plus de place dans les vies. Pendant que les bombardements se multipliaient, que le nombre de morts croissait, un soupçon de tristesse traversait les yeux des Londoniens.
Elias trouvait cela injuste que certaines personnes soient ainsi, dehors. Fort de sa propre expérience, il ressentait une compassion sans borne pour les mendiants. Il s'arrêta au bord d'un trottoir, tritura le fond de sa poche et tira un précieux shilling qui semblait bien inutile, mais pour le sans-domicile à qui il le donna, cette minuscule pièce avait une valeur inestimable.
Un large sourire éclaira le visage du vieillard et Elias sentit son cœur se réchauffer. Il aurait bien aimé passer du temps avec lui, mais le temps pressait. Il poursuivit sa route, croisant des connaissances, côtoyant des foules qui attendaient dans des queues interminables ou bien des ouvriers allant à l'usine. Certains lui faisaient part de leurs condoléances les plus sincères et il les acceptait d'un signe de tête, la gorge serrée.
Il était connu dans son quartier. Pendant plusieurs mois, il avait traîné dans les rues, volant çà et là pour survivre. Il s'était fait une petite réputation, laquelle s'était améliorée quand les Sanders l'avaient accueilli.
Désormais, on l'appréciait pour venir au secours des plus pauvres. Après un bombardement, Elias était toujours prêt à aider. Malgré ses colères légendaires qui résonnaient parfois plus loin que les murs de sa maison, on l'aimait pour sa serviabilité.
Quand il arriva chez lui, il trouva les barres de fer de son sommier dans l'entrée. Il passa un coup d'œil dans la cuisine pour remercier John, mais ce dernier n'était pas là. Il devait vendre ses baguettes aux clients de la boulangerie. Elias se dirigea vers l'arrière de la maison qui donnait sur la rue d'en face.
Il traversa des couloirs sombres, lesquels lui rappelèrent son excursion chez Frido. Il frissonna en repensant à son entretien. Des flashs lui revinrent en mémoire. D'abord la maison mystérieuse, puis les blagues douteuses du responsable et enfin la facilité de l'accès dans la Résistance. Il ne s'épancha pas plus sur la question car un délicieux fumet lui monta aux narines. Son estomac gargouilla à l'odeur du pain frais.
Arrivant derrière la boutique, ses yeux s'habituèrent peu à peu à la lumière naturelle. En de rares occasions, les Sanders avaient requis l'aide d'Elias, mais le plus souvent, sa famille s'occupait de la boulangerie seule. Désormais, il se doutait bien qu'il devrait se familiariser avec les lieux. Maintenant que le travail d'Ellen reposait sur les épaules des autres membres de la famille.
Elias entrouvrit la double-porte qui séparait l'arrière avec la boutique. Au milieu des fours à pains et des tas de farine, il se trouvait encore abrité du regard des passants, cependant il pouvait d'ores et déjà observer les mouvements de son père adoptif.
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Résistant
Historical Fiction18 juin 1940. Pendant des semaines, la voix du général de Gaulle résonne dans le cœur d'Elias. Un soir de septembre, prenant son courage à deux mains, il intègre la Résistance mais très vite, distribuer quelques tracts dans les rues de Londres ne lu...