𝟏𝟔.

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En un jour ensoleillé dans les jardins de notre demeure saisonnière, où la nature semblait elle-même respirer la paix, je me promenais parmi les fleurs. C'est alors que je remarquai un Colias vibrant de jaune et un Amiral majestueux avec ses ailes bleues et noires. Ils virevoltaient ensemble, insouciants, avant de se poser délicatement sur une fleur, leurs ailes battant doucement. Je m'agenouillai pour les observer de plus près, captivée par leur beauté fragile. Je veux être comme eux... Rêvassais-je d'ailes féeriques sur mon dos, les regardant, émerveillée. Mais une ombre passa sur le sol, et avant que je ne puisse réagir, un pied s'abattit violemment sur ces papillons, les écrasant sans pitié. Choquée, je levai les yeux, les larmes commençant à brouiller ma vision. C'était mon frère, Cesare, qui se tenait là, son regard aussi froid qu'une lame.

« Pourquoi avez-vous fait cela ? » demandai-je, ma voix tremblante, les larmes coulant librement. « Ils n'avaient rien fait de mal... »

« Sœurette, vous devez comprendre quelque chose. » me regarda-t-il tendrement, une expression de douceur tordue sur son visage. « La beauté et la faiblesse ne font pas long feu dans ce monde. Ces papillons, comme tant d'autres choses fragiles et précieuses, sont éphémères. Ils n'ont aucune place ici. »

« Mais... ils étaient si beaux ! » sentis-je mon cœur se serrer à ses mots.

« Oui, et c'est précisément pour cela que leur destruction est si satisfaisante. La véritable puissance ne tolère pas la faiblesse. Nous devons nous rappeler que tout ce qui est beau et fragile peut être écrasé en un instant. »

Alors que je me tenais là, devant un tableau représentant ces papillons, les images de l'incident avec Cesare continuaient de tourbillonner dans ma tête, me rappelant la brutalité de la réalité.

Finirai-je par me faire écraser, moi aussi ?

« Vous voilà enfin ! » entra ma mère dans cette salle d'art que mon père chérissait de son vivant.

« Comment avez-vous su que j'étais ici ? » la regardai-je avec étonnement.

« Vous êtes mon enfant, Althéa. » ricana-t-elle légèrement. « Connaître vos habitudes n'est que la moindre des choses. »

Mon regard se posa alors sur l'un tableaux qui ornaient les murs, intitulé "Les Nymphéas".

Depuis combien de temps ne suis-je pas venue ici ?

« C'est une œuvre magnifique, n'est-ce pas ? » suivit-elle mon regard et sourit en voyant l'œuvre que j'admirais.

« Oui, c'est vraiment splendide. » étais-je captivée par la beauté des couleurs et des formes.

Les nuances délicates de vert et de bleu semblaient palpiter sous mon regard, capturant la magie éphémère d'un jardin antique figé dans l'éternité. Chaque coup de pinceau semblait imprégné de l'âme de l'artiste, chaque teinte une expression de son amour pour la nature et sa recherche infinie de beauté. Je m'approchai lentement, effleurant à peine la surface de la toile du bout des doigts, craignant de rompre le charme fragile qui enveloppait cette œuvre d'art. Les souvenirs de mon enfance affluaient, portés par les reflets scintillants des nymphéas flottant paisiblement à travers le bassin de nénuphars.

« Vous êtes rentrée tôt. » fis-je remarquer.

« Je suis partie de l'opéra dès que j'ai su votre départ. » avoua-t-elle finalement, son regard se posant sur la cape qui reposait sur mes épaules. « Que s'est-il passé ? »

Je baissai les yeux, déchirée entre le désir de tout lui raconter et la crainte de lui infliger un poids supplémentaire.

« Rien d'important. Juste une petite altercation. »

Alors que je tentais de minimiser la situation, elle posa sur moi son regard bleuté, comme si elle pouvait lire à travers mes mots.

« Une altercation ? » répéta-t-elle, son ton exprimant clairement qu'elle n'était pas dupe.

« C'était avec fou allié et ce... Archidiacre Frolov. » avouai-je finalement, espérant que cela suffirait à la rassurer.

« L'Archidiacre ? » s'exclama-t-elle, son expression se durcissant légèrement. « Pourquoi ? »

« Il... Il m'a juste paru étrange. » répondis-je vaguement. « Mais ce n'est rien, je vais bien. »

Ma mère me fixa un moment, semblant évaluer mes paroles. Puis, elle acquiesça légèrement, apparemment décidée à ne pas poursuivre le sujet pour l'instant.

« Très bien... » dit-elle finalement. « Si vous êtes sûre que tout va bien. Mais n'hésitez pas à me parler si quelque chose vous préoccupe, vous le savez. »

« Merci, Mère. » lui adressai-je un léger sourire, reconnaissante pour sa préoccupation à mon égard. « Je vais prendre congé. » déclarai-je doucement, réalisant que la fatigue commençait à se faire sentir après cette journée tumultueuse.

« Bien sûr, ma chère. Reposez-vous bien. » hocha-t-elle la tête avec compréhension, un doux sourire dessinant ses lèvres.

Alors que je quittais la pièce, je me hâtais vers la chambre de Benediss, traversant les couloirs sombres de notre demeure. En arrivant devant la porte, j'hésitai un instant avant de rassembler mon courage et de frapper. Après un court moment, la porte s'entrouvrit, le révélant à moitié endormi, frottant ses yeux fatigués.

« Madame ? » murmura-t-il, sa voix empreinte de somnolence. « Que se passe-t-il ? »

« Nous nous sommes trompés. » déclarai-je d'une voix grave.

« À quel sujet ? » plissa-t-il les sourcils, cherchant à comprendre.

« Sur l'Archidiacre Frolov. »

« Que voulez-vous dire ? »

« Il était vraiment étrange... » commençai-je, cherchant mes mots avec prudence. « Après notre brève interaction à l'opéra, j'ai été agressée par un pratiquant. N'est-ce pas une drôle de coïncidence ? »

« Vous pensez qu'il pourrait y avoir un lien entre les deux événements ? »

« C'est ce que je soupçonne. J'ai le sentiment que cet Archidiacre est impliqué dans quelque chose de beaucoup plus sinistre que ce que nous pensions. »

Benediss resta silencieux un moment, semblant peser mes paroles avec soin.

« Si ce que vous dites est vrai, cela pourrait signifier que le Duc Aarden est de mèche. »

« Pourquoi ferait-il une telle chose ? Que leur ai-je fait pour mériter une telle hostilité de leur part ? »

« Je crains que nous ne le sachions pas encore. Mais il est clair que cet incident à l'opéra n'était pas un simple hasard. »

Je hochai lentement la tête, prenant conscience de la complexité de la situation. Il semblait que nous avions encore beaucoup à découvrir sur les véritables intentions de l'Archidiacre Frolov et d'Aarden.

« Nous ferions mieux de parler davantage de cela demain. » proposai-je finalement, sentant l'épuisement me gagner. « Pour l'instant, je crois qu'il vaudrait mieux que je me repose. »

« Bien sûr, reposez-vous bien, Madame. Nous aurons tout le temps pour discuter de la suite demain. »

Avec un soupir de soulagement, je me tournai pour partir, me sentant soulagée d'avoir exprimé mes préoccupations à Benediss.

Réussirai-je à trouver le sommeil ?





𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant