26 - Faites entrer l'accusé !

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Professeur, six heures du matin...

J'ouvrai un œil et pour la toute première fois des mois, je me sentais... léger. On aurait dit que le poids de la culpabilité m'avait déserté pendant la nuit. Je n'avais pas énormément dormi, une heure tout au plus mais mon corps était étrangement vif et prêt à vivre cette nouvelle journée qui allait frapper à notre porte. Je ne bougeai pas d'un pouce, mon regard encore un peu endormi, fixant le lustre du plafond. C'est alors que je la sentis. Comme ancrée sur mon torse, la main de Raquel me réchauffait à l'endroit où mon cœur battait. Cette intimité ne me dérangea pas plus que cela et, je fus le premier surpris quand mon visage se tourna vers celui de mi Inspectora encore endormie, et qu'un sourire se matérialisa sur mes lèvres. J'admirai le doux visage de celle qui avait embelli ma vie et qui m'avait fait oublier mes maux l'instant de quelques heures. Elle était la source d'un bonheur inespéré et la cause de mes cauchemars les plus abjects. Maintes fois, je m'étais demandé s'il fallait que je lui dise la vérité pour sa mère mais autant de fois je m'étais ravisé. Pourquoi ? Par égoïsme pur... Elle méritait de le savoir, de comprendre mais je ne voulais pas la perdre. De plus, je lui ferais certainement trop de mal.

Je décidai de la laisser récupérer et enveloppai délicatement sa main pour la reposer sur le lit. Je me glissai hors du lit rapidement, sans faire aucun bruit et enfilai mes habits et mes pantoufles. Je l'observai une dernière fois, elle était si belle, plongée dans les bras de Morphée puis je m'éclipsai en direction de la cuisine pour préparer le café. Café. Ce mot me fit ciller et je dus me rattraper au mur. Je sentis une nouvelle fois les ombres se rapprocher. Je décidai de me reprendre et péniblement je me dirigeai vers le plan de travail, effaçant toutes les images qui affluèrent. Il fallait se douter que ne pas faire de cauchemars pour la première fois depuis trois mois aurait des conséquences... Je fermai les yeux brièvement, me passai une main contre le front et inspirai. « Évite, la crise d'angoisse, Sergio. »

Soudain, comme pour me réveiller de ma transe trop longue, une porte grinça légèrement de l'autre côté de la maison. Le bruit venait de la chambre d'Andrés. Celui-ci ne mit pas dix secondes pour me rejoindre, le visage tendu. Instantanément, je tiquai. Il ne semblait pas aller bien. Je repris mes esprits et m'avançai à sa rencontre en remontant mes lunettes.

- Andrés, bien dormi ? Tentai-je, assez anxieux de la réponse.

- Comme un bébé ! S'exclama-t-il, trop joyeux.

Il mentait, je le connaissais par cœur. Toujours à faire la forte tête mais son expression le trahissait. Depuis quelques jours, des cernes se creusaient sous ses paupières et le peu de nourriture qu'il ingurgitait ne compensait pas l'énergie qu'il dépensait quotidiennement. Il s'affaiblissait et cela me rendait malade. Pourquoi fallait-il qu'il ait cette foutue myopathie ?! Je ravalai ma colère.

- Tu veux que je te prépare le petit déjeuner ? Proposai-je en me dirigeant vers le réfrigérateur.

- Non, non merci. Je n'ai pas faim. Répliqua-t-il en secouant la tête.

- Andrés, tu devrais avaler quelque chose quand même, ce n'est pas très pru...-

- Je mangerai plus tard. Dis-moi plutôt comment s'est passée cette nuit avec ta petite fliquette ! Me coupa-t-il, changeant volontairement de conversation.

Malgré son stratagème évident, je fus pris au dépourvu et mes membres se contractèrent. Que faire ? Que dire ? Fuir ? Parler ? Me taire ? Lui dire que c'était la plus belle nuit depuis très longtemps ? Ou éviter de m'étaler sur ma vie privée ? Son regard inquisiteur et envieux me transperçait. Il ne m'aida pas et mes lèvres se scellèrent davantage tandis que mes joues me brulèrent sans que je me rende compte. Gêné au plus haut point, je me retournai finalement pour mettre la machine à café en route. Café. Non pas encore... Mais mon frère ne me laissait aucun répit, m'évitant de retomber dans les ténèbres au passage. Mais qu'est ce qui était le pire ? Repenser à la femme que j'avais empoisonnée ou répondre à un interrogatoire sur la relation que j'entretenais avec sa fille ? Difficile à décider en effet...

La casa de papel // Et si... (Serquel)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant