Izuku respirait.
Il tentait de faire abstraction de toute autre émotion que l'apaisement. Le temps d'une seconde, il volait. Il rêvait d'une vie à l'opposée même de la sienne. Une vie qui l'aurait accepté, avec ses défauts, ses erreurs, ses craintes et ses faiblesses. Il s'imaginait un instant respirant les effluves de la mer, à l'ombre d'un arbre assez grand pour couvrir l'entièreté de ce qu'il désirait oublier.
Bien vite, la réalité le rattrapa, il se rendit compte que le sol sous ses pieds n'était pas couvert de sable blanc, qu'il n'était que les dalles froides à la symétrie oppressante qui recouvraient le plaquer défraîchi de sa salle de bains. Que l'endorphine qui parcourait son corps n'était pas due à la sensation de bien-être que lui procurait le havre de paix dans lequel il s'était imaginé baigner, mais à la lame insidieuse et éternelle qui lui tailladait l'avant-bras telle la hache d'un boucher prête à mettre fin aux souffrances d'un animal en détresse.
Izuku étouffait.
Il repensait aux souvenirs d'enfance qui avaient rythmé sa vie au fil des années. À toutes ces fois où il s'était pris à rêver d'une réalité plus égalitaire, un monde qui n'aurait pas décidé qu'il ferait partie de la minorité la plus oppressée de la société super-héroïque, un univers dans lequel « sans-alter » n'aurait pas été signe de faiblesse. Pas même de différence. Juste un fait.
Qui aurait fait mal, certes, aurait été difficile à accepter, aurait brisé en un éclat ses rêves de la vie idéale qu'il s'était imaginée, mais n'aurait en rien était la source de moqueries, de pertes, de remises en question.
Izuku souffrait.
Un poids auquel il avait cessé de faire attention semblait comprimer sa cage thoracique, le flot de larmes qui s'échappait de ses yeux ne suffisait même plus à le faire se sentir en vie. Seule cette douleur omniprésente lui rappelait qu'il n'était pas encore allé trop loin. Ce moment ne saurait tarder, il en avait conscience depuis le premier jour. Il avait accepté la possibilité d'une fin de vie jugée lâche à l'instant même où sa lame avait rencontré pour la première fois son avant-bras gauche. Il y avait longuement réfléchi, mais n'avait plus rien à perdre, préférait aussi bien se sentir mourir l'espace de deux minutes, plutôt que d'accepter une descente aux enfers inarrêtable jusqu'au fin fond des abysses de la noirceur qui le rongeait.
Izuku abandonnait.
Pas la vie, pas encore. Il lâchait sa lame, observait les sillons tracés irrégulièrement le long de son bras, et laissait échapper un soupir désabusé. Plus rien ne comptait, pas même la souffrance qu'engendrerait sa mort auprès de ses proches. Lorsque la vie était trop lourde à porter, se libérer de ce poids n'était pas preuve de faiblesse, mais signe de résignation. Le jour viendrait où il accepterait les bras ouverts le repos éternel. Mais en attendant, il survivait pour lui. C'était bateau, absolument insensé et parfaitement immature. Mais malgré son caractère atrocement cruel, sa haine viscérale pour Izuku et sa volonté perpétuelle à écraser ceux qui se trouvaient dans son chemin, Katsuki avait su capturer le cœur de son rival.
Même Izuku s'était vu choqué par cette constatation, si inopportune pour quelqu'un qui s'était efforcé tout au long de sa vie d'apprendre à détester celui qui la lui pourrissait. Il n'avait jamais réussi à le considérer coupable de ce harcèlement, pourtant il n'ignorait pas que Katsuki méritait toute la haine du monde, mais son cœur, ce détraqué, en avait décidé autrement.
Izuku pleurait.
Il pleurait l'amour. Il pleurait la haine. Il pleurait la résignation. Il pleurait des années de souffrance, des mois d'enfer et des semaines de violence. Envers lui, envers les autres. Tout s'emmêlait, se confondait, plus rien n'avait de sens, il perdait la tête.
Tué par toute cette cruauté dont il n'aurait jamais pu prévoir les aboutissants.
Qui diable se serait imaginé un jour qu'Izuku Midoriya tomberait dans l'addiction si impensable qu'était l'automutilation ?
Lui-même ne se reconnaissait plus, lorsqu'il croisait le regard d'un garçon terrorisé par ses propres actes, dans le miroir. Lorsque le sang s'écoulait lentement de ses plaies, jusqu'à former un amas de signaux d'alerte qu'il s'empressait de camoufler, s'empêchant seul de venir à bout de cette douce torture.
Si seulement il avait su comme de simples paroles sauraient impacter la vie de l'autre garçon.
Katsuki se serait tu.
À la place, il avait tué Izuku.
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Le temps d'une respiration - BAKUDEKU
FanfictionLe quotidien de la société superhéroïque toute entière est chamboulé le jour où un étudiant de Yuei est suspecté de trahison. Il aurait rejoint l'Alliance des vilains suite à de nombreux échanges avec l'un de leurs membres. Selon le protocole, les c...