Le temps d'une respiration - BAKUDEKU

Chapitre 5

PDV Izuku

Pourquoi me regarde-t-on étrangement lorsque je dis ne pas me voir d'avenir ? Est-ce si invraisemblable, aux yeux du commun des mortels ? Non, lorsqu'on me parle d'enfants, ma pensée n'est pas au nom des petits êtres auxquels je pourrais donner vie, ni même à avec qui j'en viendrais à décider de fonder une famille. L'unique chose qui me vient est des regrets. Parce qu'avant même que l'opportunité ne se présente, je sais que l'idée même est vouée à l'échec. Je ne mettrais jamais d'enfants au monde, je n'entendrais jamais mon fils prononcer ses premiers mots, je ne verrais jamais ma fille tomber amoureuse pour la première fois. Parce que je n'ai pas la force de me battre encore suffisamment longtemps pour en venir à ces instants de bonheur.

Pourquoi me semble-t-il si difficile que de vivre ? Vivre, tout simplement vivre. Grandir, évoluer, connaître, apprendre. Sourire, faire preuve de constance, d'honnêteté. Durant quelques rares instants, je suis sincèrement persuadé que les choses vont pour s'arranger, que le monde me tend les bras et que je suis capable d'aller de l'avant pour de bon. Mais, bien vite, me voilà rattrapé par l'indétrônable et sinueuse réalité : je ne sais plus vivre correctement.

Pire, je me suis vu, au fil du temps, perdre en capacité de vaincre ces pensées démoniaques. Celles qui me soufflent que je me suis battu trop longtemps. Peu à peu, j'ai perdu foi en moi. J'ai renoncé au combat. Moi qui ai toujours prôné la force mentale, je me suis laissé tomber, littéralement. J'ai toujours été de ceux qui aimaient tout contrôler. Pourtant, un jour, j'ai pris la décision de me relâcher. J'ignorais que cette décision aurait de telles conséquences.

Mes dernières bribes de volonté m'ont abandonné. Et me voilà la tête sous l'eau, à la fois incapable d'en remonter, autant qu'incapable d'en ressentir l'envie. Je suis pris au piège, mais plus rien ne m'importe. Ce qui, avant, me disait que je n'avais pas le droit de tout lâcher, en l'honneur de mes proches et de l'attachement qu'ils me portent, semble s'être évaporé. Tout ce qui me retenait me paraît désormais bien futile. L'existence même n'a plus le sens que je lui donnais auparavant.

J'ai déjà songé à quitter ce monde pour de bon. Pourtant, cette idée n'a jamais été aussi tangible. J'ai comme la sensation que pour la première fois, le fait de ne plus avoir la force de rien me donne la capacité, jamais acquise, d'avoir le courage de mettre un terme à cette mascarade qu'est la vie, qui m'a trop souvent dominé. J'ai désormais l'occasion et la force mentale de faire cesser tout ce qui m'entoure, les pensées trop bruyantes qui m'assaillent sans cesse, les sourires de plus en plus douloureux qui me paraissent aujourd'hui même inutile à lancer, les rêves que je nourrissais pour l'avenir.

Au fond de moi, j'ai toujours su que je ne serai pas capable de me battre suffisamment pour vaincre ce qu'est l'adolescence ; avant même d'y entrer, je savais que je n'en sortirai jamais. J'ai la force de me battre contre le monde entier, mais pour ce qui est de moi-même, je n'y suis jamais parvenu. Ce qui m'a définitivement achevé, c'est d'être finalement convaincu que la meilleure solution n'est plus que de porter le coup fatal au monde avant qu'il ne m'achève de lui-même.

C'est la dernière décision que j'ai pu prendre pour moi, en sachant pertinemment que si je poursuivais ce combat plus longtemps, je me perdrais pour de bon. Autant tout arrêter maintenant, tant que je suis encore celui que j'ai vu grandir.

Mon regard se porta une dernière fois en direction de Kacchan.

Je m'étais toujours promis de me battre pour lui, même s'il était contre cette idée. Aujourd'hui, j'étais pourtant prêt à lui accorder le seul souhait qu'il n'eût jamais prononcé à mon égard : « Va-t'en, Deku, et ne reviens pas ».

Je m'en irai, Kacchan. Je suis désolé de t'avoir causé tant de tort. Cependant, je ne suis pas prêt à quitter ce monde sans t'adresser la parole une dernière fois, peux-tu m'accorder cela ?