Chapitre 18

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La gorge soudain étonnamment sèche, l'explosif ouvrit la bouche, souhaitant répondre, prouver qu'il n'était pas atteint, dire n'importe qu'elle phrase qui prouverait qu'il est encore capable de donner sens à ses pensées, cependant ç'aurait été mentir, prétendre. Et désormais, il détestait ça. Plus encore lorsque ça touchait à celui auprès de qui il avait si souvent joué ce rôle.

– Ce n'est pas « aimer », ce mot est stupide. On aime nos proches, nos parents, nos amis, même nos enseignants. On les aime parce qu'ils nous rendent la vie un peu plus belle, un brin moins longue et certainement ô combien plus gai. Mais ce n'est que platonique. C'est constant, ça rassure. C'est une forme d'amour qui conforte dans l'idée que les choses sont simples, lorsqu'elles suivent une ligne directrice destinée à conserver l'harmonie. Mais si cette ligne était un jour défigurée ? Cassée. Brisée. Froissée. Par une anomalie, si puissante qu'elle mettrait fin au plus ravageant des quotidiens. Bousculerait jusqu'aux éléments les plus encrés en nous. Je n'ai jamais connu plus beau revirement de situation que cette anomalie dite inopportune par bien des humains. Qui apprécie sincèrement un changement si brusque qu'il en brûlerait les ailes des moins combattifs ? Moi, en tous cas, j'accueille les bras ouverts ce changement. Je ne t'aime pas comme j'aimerais un parent, un ami de longue date ni même un frère présent depuis toujours. Je suis amoureux. Amoureux comme une luciole paumée au milieu d'un champ d'étoiles toutes ressemblantes. La vie serait plus simple si elle faisait partie de ces étoiles, mais ne serait-elle pas fade ? Toi, tu es la lumière qui rend la luciole visible dans la nuit noire. Sans l'éclairage, elle ne serait même pas visible. Comme si elle n'existait pas. Et je n'existerais pas, si ta présence ne m'avait pas permis de tenir toujours un peu plus longtemps. C'est plus qu'aimer, Kacchan, c'est se consumer sous la flamme de la puissance d'un attachement innommable. Que tu acceptes ces sentiments ou non, rien n'y changera : la luciole, bien qu'invisible, n'en serait que plus dangereusement, tapie dans l'ombre d'un silence malhonnête.

Coupé court dans la moindre de ses pensées, attaqué par une vague d'émotions sans pareille, écrasé par la force de sentiments trop longtemps étouffés, Katsuki tourna la tête. Il ignorait ce qu'il regardait, n'avait plus conscience des sons alentours, ne percevant que le faible bourdonnement de l'agitation environnante. Il ne pensait plus, n'écoutait plus, ne respirait plus. Lui qui n'avait jamais su dire « je t'aime », était pris d'un besoin viscéral de cesser de taire ses désirs les plus enfouis. Il n'était plus question de se cacher, il devrait maintenant faire en sorte de ne pas tout gâcher. Il avait toujours trouvé si simple de ruiner les choses tant qu'elles n'étaient pas sérieuses. Ignorant qu'il se planterait un couteau dans le dos, il avait continué de jouer, se convaincant même qu'il ne serait jamais rattrapé par les règles. Oubliant le temps d'une seconde qu'il ne les avait pas établies. Qu'il ne pouvait pas tout maîtriser. Que même si lui savait se réfréner, les autres étaient hors de contrôle, impossibles à empêcher d'éprouver ce qu'il avait toujours détesté ressentir.

Et malgré tout le dégoût qu'il éprouvait pour les nombreuses années durant lesquelles il avait fait tous les mauvais choix, il apprendrait à vivre avec la haine qu'il avait développé à l'égard de lui-même, si cela permettait au visage angélique qui le regardait à sa gauche de conserver un sourire rayonnant.

– C'est préparé, ce que tu me dis là ?

Souriant avec mélancolie, Izuku sembla à des années lumières d'une déception légitime qu'il aurait pu ressentir suite à cet apparent manque de réaction.

– Dans la mesure où j'ai passé des années à me tourner et retourner les mêmes interrogations en mémoire, on peut considérer que c'est préparé.

– Mon message ne l'était pas, avoua Katsuki en triturant un caillou qu'il avait ramassé quelques instants plus tôt.

– Ma réponse non plus. Cependant, je vais réitérer un passage que tu n'as sans doute balayé que trop vite : je te pardonne, Kacchan. Ce qui s'est passé ces dix dernières années n'a plus aucune importance, tant que mes dix prochaines se passent à tes côtés.

Le temps d'une respiration - BAKUDEKUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant